La première Miss noire de La Réunion

La mémoire collective a semble-t-il effacé Marie-Paule Drula, élue en 1983. Elle fut pourtant la première Miss noire de La Réunion.

1983 : la Saint-Louisienne, Marie-Paule Drula, devient Miss Réunion. Photo AR83.
1983 : la Saint-Louisienne, Marie-Paule Drula, devient Miss Réunion. Photo AR83.

L’illusion d’une ascension par l’apparence


La popularité des concours de Miss est sans doute l’un des traits les plus révélateurs et les plus détestables de l’évolution contemporaine de notre île. Il y a trente ans, les organisateurs de ces compétitions peinaient à trouver des candidates. La pudeur, alors, n’était pas passée de mode ; la croissance et l’émancipation féminine permettaient aux filles de rêver d’autre chose que de défilés en maillot de bain.

C’est fort logiquement que l’explosion des concours de beauté, comme celle du sport, accompagne le déclin économique : un nombre croissant de jeunes Réunionnaises ont leur corps pour seul capital ; à celles-là, la société bloquée offre l’illusion d’une ascension par l’apparence.

Au peuple des téléspectateurs, on offre un exercice de sadisme démocratique : dans une parodie de scrutin, les moches ont la joie sauvage de classer les belles et de déterminer celles qui vont «rester à terre». Après la soirée magique, la jeune élue prend souvent le principe de réalité en pleine poire ; les (mauvaises) relations entre les lauréates du concours de Miss Réunion et les instances censées encadrer leur «mandat» ont souvent occupé le devant de la scène médiatique. C’est d’ailleurs de cette manière que quelques Miss ont échappé à l’oubli.

17 décembre 1983 : une miss noire est élue à La Réunion : Marie-Paule Drula. Photo AR83.
17 décembre 1983 : une miss noire est élue à La Réunion : Marie-Paule Drula. Photo AR83.

L’UFR vent debout contre les concours de Miss


Ainsi, on se rappelle encore Marie Chocolat, lauréate de 1985, qui rendit sa couronne après avoir, selon ses dires, été confrontée au racisme lors de l’élection de Miss France. Si l’affaire continue de faire écho, c’est que la jeune femme passe pour avoir été la première Miss Réunion noire. À tort : deux ans plus tôt, c’est une cafrine, Marie-Paule Drula, qui recevait la couronne. «Je l’ai félicitée, c’était une Saint-Louisienne ! Mais discrètement, parce que l’UFR était vent debout contre les concours de Miss», se souvient Claude Hoarau, élu maire la même année.

Selon l’organisation féministe, les concours de Miss dégradent la femme réunionnaise ; on peut ajouter qu’ils dégradent de ce fait la société réunionnaise toute entière. Les élues paient cher leur beauté : peu de «Miss» sont sorties indemnes de leur année de «règne». De Marie-Paule Drula, on n’a pas même gardé la mémoire…

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