Catégorie : Société

Viv an kréol… Vivre en créole

Depuis les rives de l’enfance, on entendait Madoré, le chanteur de rue, déblatérer avec malice sur les «Zenfant bâtard» ; une «batarsité» que «maloyera» plus tard Danyèl Waro. On achetait des billes à la «boutique chinois, pou joué kanèt», on mangeait des bouts de canne à sucre décortiqués avec les dents, on guettait le jako-malbar, on jouait Kadok dans la cour de l’école et on espérait le «bonbon-ramadan» aux parfums envoûtants. Vivre en créole ! Sa mèm : viv an kréol.

Qui a tué Rico Carpaye ?

«Tu es pauvre. Ils sont puissants», déclare Paul Vergès dans un cimetière, au milieu d’une foule prise entre colère et chagrin alors que tombe la nuit, ce 16 mars 1978. Deux jours auparavant, le 14 mars 1978, Rico Carpaye, Portois de 17 ans, trouvait la mort au carrefour du Sacré-Cœur sous les roues d’une camionnette conduite par un nervi. Ses assassins n’ont pas été poursuivis par la Justice.

Chronique clandestine d’un mythique «Rideau de Cannes»

«Nous sommes entrés en résistance passive / Nous nous sommes clandestinisés / Cela nous a collé à la peau»… Paris 1959 : un groupe d’étudiants réunionnais s’engage dans la lutte identitaire et anticolonialiste avec pour objectif : faire émerger une conscience réunionnaise. Les débats qu’ils mènent alors hantent toujours — pour la plupart — la société réunionnaise d’aujourd’hui. Voici l’histoire de ces précurseurs du «Rideau de Cannes», «qui ont fouillé défriché cherché rodé», ces «clandestins qui se sont taché les mains à l’encre des ronéos».
Où donc est le soleil ? Derrière «Le Rideau de Cannes»…

Valet de carreau, prête-moi ton fusil…

Un valet noir, assis sur un goni rempli de café. Les chaînes qui entravaient ses pieds sont brisées. Le valet tient un fusil de la main gauche. Valet, Valet, prête-moi ton fusil… Maloya ou jeu de cartes ? Comme dans un jeu de cartes, le maloya chanté par Firmin Viry a son valet, son roi et sa reine…

Le «Tonton noir» de M. Chane

« Qu’est devenu “Tonton noir” ? » M. Chane posa la question comme on jette une bouteille à la mer. Ce « Tonton noir » dans une famille de Chinois pourrait symboliser à lui seul la société réunionnaise. Une société où la solidarité emprunte des chemins de traverse et trace des lignes de vie parmi les plus étonnantes. Voici l’histoire du Tonton noir de M. Chane.

«Chez Marcel», derrière la porte en fer…

Avril 1991, minuit. Ma petite Fiat jaune s’engouffre dans la ruelle Chinois déserte, se faufile entre les nids-de-poule et trouve sa place devant le plus célèbre « cabaret » de Saint-Denis et de La Réunion : « Chez Marcel ». L’entrée est cadenassée par une chaîne bien serrée. Il suffira de frapper fort à la porte en fer pour que les yeux bleus de Marcel surgissent dans le noir. Ce soir-là, la porte s’entrebâille une dernière fois.

Nella Larsen, être noire en société raciste

Née à Chicago [États-Unis] en 1891, Nella Larsen est déclarée «fille de couleur». Quand elle prenait le bus, elle ne pouvait s’asseoir à côté de sa maman qui était blanche… Dans les années 1920/1930, Nella Larsen se fera une place dans la communauté littéraire et artistique interraciale, à travers la vague d’Harlem Renaissance.

Eliard Laude, 17 ans, tué d’une balle en plein cœur

« Toi tu as donné / Une giclée de ton sang », écrit le poète Axel Gauvin en 1969 en hommage à Eliard Laude assassiné à 17 ans par un nervi le 15 mars 1959. Le tueur d’Eliard Laude a aussi ce même soir blessé grièvement un jeune de 14 ans, Antoine Baïkiom. Il sera condamné à 5 ans de prison mais ne purgera pas sa peine dans une geôle. « Grand matin / soleil lé rouge »…

Carnaval, mardi gras : chacun’ son bande !

«Tous les ans, c’est pendant trois jours une levée soudaine de sauvagerie indécente chauffée à blanc par les rayons d’un soleil d’Afrique», peut-on lire, au sujet du carnaval à La Réunion, en 1893, dans «L’Indépendant Créole». Le ton, raciste en diable, est donné. Carnaval, mascarade, mardi gras : chacun’ son bande ! Et chacun sa classe sociale, son quartier… son ethnie.

Kaya : ses mots sont toujours des armes

Le 21 février 1999 est un jour sombre dans l’histoire de l’île Maurice. Au petit matin de ce «bloody sunday», Kaya est retrouvé mort au fond de sa cellule, le crâne ouvert. Depuis, l’inventeur du seggae est devenu la figure emblématique d’un combat qui se poursuit pour plus de justice et de paix au sein de la société mauricienne. Hommage à Joseph Réginald Topize, alias Kaya.