Une grand-mère paternelle au destin royal contrarié, morte exilée en Algérie. Un grand-père maternel esclave dans…
La ballerine était en noir
Les danseuses noires-américaines bouleversent les codes de la danse et dépoussièrent un univers qui manquait un peu de couleurs…
Couleur chair ?
Faites le test : demandez autour de vous ce qu’est la «couleur chair». Neuf fois sur dix, vous aurez pour réponse : «couleur beige rosé rappelant la couleur de la peau»1…
Pourtant, la couleur de la peau est multiple comme le démontre — si besoin était et ce n’est là qu’un exemple — de manière méthodique le recensement des différentes carnations, réalisé par l’artiste brésilienne Angélica Dass.
Version réductrice de la palette épidermique
Cette «discrimination linguistique» qui consiste à ne considérer la couleur chair que dans sa déclinaison «beige rosé» — version réductrice de la palette épidermique — a pour corollaire une discrimination… sociale et culturelle.
Mais elle risque bien d’être bousculée… Et cela est particulièrement visible dans deux domaines : la mode et la danse [surtout la danse classique] pourtant réputées pour être des espaces teintés de «colorisme».
Reconnaissance des différentes couleurs de peau
Dans le milieu très conservateur — et souvent élitiste — de la danse, et particulièrement de la danse classique, certains codes demandent à être sérieusement dépoussiérés.
Le hashtag #dyeingtomatch [teindre pour réussir] est utilisé sur les réseaux sociaux et rallie toutes celles et ceux qui revendiquent la reconnaissance des différentes couleurs de peau par les créateurs et les fabricants d’accessoires de danse [justaucorps, tutus, collants, demi-pointes, pointes, etc.].
Les filles noires dansent aussi !
Créé en 2013, le mouvement influent de Takiyah Wallace, «Brown Girls Do Ballet» [les filles noires dansent aussi], milite activement en faveur de l’expression d’une véritable diversité à travers les arts et notamment la danse.
Car les tenues et accessoires de danse sont encore presque exclusivement conçus pour des peaux blanches ; la fameuse «couleur chair»…
D’ailleurs l’imagerie populaire associe souvent — pour ne pas dire toujours — à la danse classique, tutus blancs, collants «crème» et chaussons roses… Une gamme chromatique sortie tout droit d’un «conte de fée».
Enfin des justaucorps pour peaux brunes ou noires
La couleur des tenues et des chaussons [pointes et demi-pointes] est un des ingrédients qui contribuent à sublimer le corps de la danseuse et du danseur.
C’est pourquoi, si les chaussons sont harmonisés avec la couleur de la peau, alors les jambes de la danseuse s’étirent jusqu’à l’«extrémité de la pointe», sans rupture, et paraissent plus effilées et plus longues.
Peu à peu, la poussière semble s’écarter du ballet. Et des lignes de justaucorps pour peaux brunes ou noires ont fait une apparition — relativement récente — principalement sur le marché américain.
Gamme de teintures pour accessoires de danse
Mais, le chemin est encore long qui mènera à une offre pérenne de tenues et accessoires de danse représentatifs de la diversité ethnique.
La question de la couleur des justaucorps et collants est, semble-t-il, désormais entrée dans le programme de quelques fabricants et marques dont la démarche mérite d’être saluée : «Mahogany Blues», «Ballet Café Naturals», «Body Wrappers», «Fleshtone», «Kinetic Essentials», «Nude Barre», «Shades of Dance», etc.
Les choses s’avèrent plus figées en ce qui concerne la couleur des chaussons, élément pourtant crucial dans la «finition de la silhouette» des danseurs, lesquels ont recours la plupart du temps à de la teinture ; certaines sociétés ont même vu là un marché fructueux puisqu’elles commercialisent une gamme de teintures dédiées aux accessoires de danse.
«Diversité culturelle»…
Le fameux argument de l’offre correspondant à la demande n’est pas recevable. D’autant que l’on assiste à un véritable engouement pour la danse [classique, contemporaine, etc.] dans les communautés que le «politiquement correct» désigne par le label «diversité culturelle».
Au cœur du 20ème siècle, la compagnie d’Alvin Ailey [1958] et le «Dance Theatre of Harlem» [1969] — pour ne citer que ces deux exemples — ont contribué à ouvrir la voie aux Afro-américains.
Les ballerines noires bouleversent les codes
Aujourd’hui, des ballerines noires-américaines telles que Misty Copeland ou encore Michaela DePrince, Ashley Mayeux, Aesha Ash, Nardia Boodoo, Ashley Murphy, Alicia Graf Mack, etc. bouleversent les codes : elles suscitent une prise de conscience par rapport à la monochromie jusque là ambiante dans le milieu de la danse et aux carences que cela a inévitablement entraîné en ce qui concerne les tenues.
Ne doutons pas que l’engouement populaire et la fascination qu’inspire la charismatique Misty Copeland sont de nature à faire naître de nombreuses vocations. Véritable icône médiatique, elle est la première danseuse étoile noire de l’«American Ballet Theatre» à New York.
Bricoler avec les moyens du bord…
Et pourtant… à l’heure de l’imprimante 3D, les danseuses et danseurs noirs sont encore obligés de bricoler avec les moyens du bord pour teindre leurs chaussons [et parfois aussi leurs justaucorps et leurs collants] afin que leur tenue soit de la même couleur que leur peau.
Danse : sois noire et teins-toi…
7 Lames la Mer
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