Il a assisté à l'exécution de Sitarane, failli mourir sur le front de Verdun, survécu à…
Angélique plus chanceuse que Valentin (3)
En matière de patrimoine, mieux vaut voir le jour rue de Paris que rue Sainte-Marie. On le savait déjà mais l’histoire de la belle Villa Angélique nous le rappelle opportunément : « C’est ainsi que patrimoine et modernité se conjuguent brillamment ». Une conjugaison plus que parfaite pour ce passé décomposé par les termites… et recomposé pour les touristes ? Le temps s’en va… Las le temps !
Bardeaux contre plexiglass
«Nous ne sommes pas des maniaques du passé ! Mais nous revendiquons un urbanisme qui n’oppose pas patrimoine et modernité, en substituant — voire en subtilisant — le premier au profit du second » écrivions-nous il y a quelques jours au sujet de la maison du vieux Valentin1, autrefois située rue Sainte-Marie, répertoriée depuis 2003 en tant que bâtiment d’intérêt architectural au Plan d’occupation des sols… et écrasée en 2013.
Outre que cette maison, construite au 19ème siècle, était porteuse d’une « parcelle » de l’histoire réunionnaise, elle comportait un intérêt architectural et patrimonial reconnu par l’architecte des bâtiments de France, chef du service départemental de l’architecture et du patrimoine, qui soulignait à son sujet l’aspect «remarquable de l’imposte ajourée de la varangue et des consoles chantournées». Mais ce qui faisait de cette maison une bâtisse unique, c’était sa pièce cachée dont le secret de conception est désormais à tout jamais perdu.
Malheureusement pour la case du vieux Valentin, ces caractéristiques d’une architecture créole dont nous nous plaisons à revendiquer la dimension originale, populaire et généreuse, n’ont pas pesé lourd dans la balance de l’urbanisme où s’opposent bardeaux et façades au plexiglass clinique.
La Villa Angélique construite au 19ème siècle
Nous aurions préféré qu’elle «demeure» quitte à être «requalifiée en bureaux ou en lieux de culture patrimoniale» à défaut de sa fonction originelle de lieu de vie, sort — somme toute — plus enviable que de terminer bouffée par les termites et enfin écrasée par un bulldozer.
Au fond, la Villa Angélique, ex-maison de Boisvilliers, sise au 39 de la rue de Paris, n’a pas connu meilleur destin. Construite elle aussi dans la deuxième moitié du 19ème siècle, inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1996, elle est détruite au début du 21ème siècle et promise à une reconstruction qui pourrait s’apparenter à une reconstitution…
Jusque là, les deux histoires se ressemblent à s’y méprendre, prouvant, s’il était nécessaire, que le lent processus d’abandon — et son cortège de sournoises dégradations — auquel une part considérable du patrimoine réunionnais est soumis, répond à des logiques qui n’ont rien à voir avec la philanthropie. Logiques de profit. Logiques implacables d’un urbanisme aveugle qui, sous couvert de contraintes démographiques et de densification, poursuit surtout des buts économiques et dont les dérives assimilationnistes n’échappent à personne.
Quand l’identique n’est qu’une utopie
La fin de l’histoire est cependant plus souriante pour la Villa Angélique. Elle a ainsi bénéficié de travaux dont on nous certifie qu’ils conservent «scrupuleusement l’aspect extérieur de la belle demeure restaurée», l’intérieur ayant pour sa part été reconfiguré «pour apporter tout le confort d’usage attendu d’un hôtel de charme». Car l’ex-maison de Boisvilliers est devenue la «Villa Angélique», hôtel quatre étoiles. Et le résultat est d’un effet des plus réussis.
Devons-nous pour autant nous réjouir de ce qui ressemble à un «happy end», manière Hollywood — car finalement, la façade reconstituée est-elle si différente d’un décor de cinéma, même si l’on a préféré les «essences locales ou exotiques» au carton-pâte ?
Si l’on se réfère à Robert Gauvin et à son site de défense du patrimoine réunionnais, la réponse à cette question est plus que mitigée : «Hélas ! Force nous est de constater que les dites modifications tolérées par la loi sont rapidement devenues des transformations radicales». Toiture, distribution intérieure, charpentes, cloisons, ne sont pas «identiques». Les dépendances à l’arrière ont été démolies. Face aux difficultés techniques et aux nouvelles normes auxquelles est soumis un tel chantier, l’on peut comprendre que l’identique ne soit qu’une utopie. Pour autant, poursuit Robert Gauvin, «nous serions favorables à un minimum de concessions pour que la maison soit protégée tout en respectant son authenticité».
Et la maison de la reine ?
Quant à la maison du vieux Valentin, elle ne connaîtra pas de «seconde vie» : elle est morte et ne renaîtra pas de ses cendres ! La page est donc définitivement tournée.
Mais qu’en est-il de celle de la reine Ranavalona III ?2 Son état de décrépitude rend de plus en plus problématique un hypothétique sauvetage.
Combien d’autres cases, bâtisses, boutiques, usines… se meurent dans l’indifférence complice ? Mais le temps.. Las le temps ! non mais elles s’en vont ! Et notre âme avec !
Nathalie Valentine Legros
« Le temps s’en va, le temps s’en va Madame
Las le temps ! non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame« .
Pierre de Ronsard
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Journaliste, Écrivain, Co-fondatrice - 7 Lames la Mer.
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