«Petit» miracle ! La partition d'une chanson «inconnue» — oubliée — de Célimène [1807-1864] nous «tombe»…
Un séga venu… du Paraguay
Cette polka du Paraguay est très proche de la rythmique du séga réunionnais. Une fois l’introduction passée, un véritable air de séga s’impose à l’oreille. Pas de doute, ces deux musiques — cette polka paraguayenne et le séga — ont des points communs, voire des origines communes !
«Isla Sacá», c’est le rythme typique du séga
Vous ne rêvez pas : «Isla Sacá», une polka paraguayenne, c’est le rythme typique du séga. À tel point que l’on se demande d’ailleurs si c’est vraiment la première fois que l’on écoute ce morceau extrait de l’album «Los Parajos Perdidos». Oui, c’est bien la première fois.
C’est en poursuivant une piste indiquée par Jocelyn Leveneur [disparu le 9 septembre 2019] que nous sommes tombés sous le charme des… oiseaux perdus.
Sur l’album «Los Parajos Perdidos» [Les oiseaux perdus], de l’ensemble «L’Arpeggiata»1, se trouve donc «Isla Sacá», air populaire du Paraguay qui ne laissera pas indifférentes les oreilles créoles de l’océan Indien. Les oreilles réunionnaises particulièrement…
Océan Indien/Amérique du Sud : même cari rythmique
«À partir de cet ingrédient à deux temps d’origine tchèque [la polka], les créoles de l’océan Indien et d’Amérique du Sud ont fait le même cari rythmique, commentait Jocelyn Leveneur2. Surprenant… Dans la même veine que notre bobre et le berimbau brésilien, tous deux utilisés pour rythmer la capoeira au Brésil et le moringue à La Réunion».
«Isla Sacá» est interprétée par deux virtuoses : l’harpiste paraguayen, Lincoln Almada, et le guitariste argentin, Quito Gato.
Cette polka du Paraguay est très proche de la rythmique du séga réunionnais. Une fois l’introduction passée, un véritable air de séga s’impose à l’oreille. Pas de doute, ces deux musiques — cette polka paraguayenne et le séga — ont des points communs, voire des origines communes !
Mais quel peut bien être le lien entre cet air populaire — et anonyme — du Paraguay et notre séga national ?
A propos du «séga originel»
Le «séga originel», danse des esclaves venus notamment du Mozambique et de Madagascar, a donné naissance à deux formes d’expression populaire toujours vivaces dans le champ culturel réunionnais : le séga et le maloya.
L’une, d’origine sacrée — culte des ancêtres — se pratique dans le cercle familial et de la «cour» au sens créole du terme ; elle est désormais identifiée sous le nom de « maloya ».
L’autre s’occidentalise, au frottement de styles musicaux et de danses comme le quadrille, et garde le nom de « séga ». Il est de notoriété que la polka — au même titre que le scottish ou la mazurka — sont des séquences du quadrille créole, lequel a contribué à façonner le «séga moderne».
Voilà donc un premier lien entre «Isla Sacá» et le séga : la polka !
Séga et fandango
En poursuivant nos recherches autour de «Isla Sacá», nous découvrons un tableau de Paula Rego, intitulé «La danse». Cette œuvre est utilisée sur youtube pour illustrer un extrait de l’album «Los Parajos Perdidos», avec la mention suivante : «fandango».
Cette mention nous ramène vers le séga… et renforce l’hypothèse d’un lien entre fandango et séga, d’autant que, comme nous l’avons indiqué plus haut, l’album «Los Parajos Perdidos» contient une polka du Paraguay qui évoque fortement le séga réunionnais.
«Différents auteurs attestent qu’au Mozambique, tshega [qui deviendra «séga»] se rapporterait à une danse très proche du fandango dansé au 17ème siècle en Espagne, au Pays Basque et au Portugal»3.
Ce cousinage musical, les influences qu’il a intégrées et les chemins impromptus qu’il a empruntés au cours des siècles garderont une part de mystère. Mais il est un signe qui ne ment pas : les oreilles réunionnaises reconnaîtront toujours les accents caractéristiques du séga, d’où qu’il vienne.
Merci à Jocelyn pour la découverte de ces oiseaux perdus.
Nathalie Valentine Legros
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Journaliste, Écrivain, Co-fondatrice - 7 Lames la Mer.
- Voir le site : L’Arpeggiata
- 2016.
- Source : «Maloya et séga des Mascareignes, ethnomusicologie d’un genre pluriel», de Fanie Précourt.