Cette polka du Paraguay est très proche de la rythmique du séga réunionnais. Une fois l'introduction…
Menace sur les sirènes de l’océan Indien
«Espèce menacée d’extinction»… Inscrite sur la liste rouge de l’UICN1. Répertoriée par le Japon dans les «monuments naturels protégés». La Convention internationale pour le commerce des espèces en danger [CITES ou Convention de Washington] ainsi que la Convention de Nairobi se penchent sur son cas. La Nouvelle Calédonie et le gouvernement français lui consacrent des plans d’actions tandis que la COI2 l’intègre dans un réseau. Il faut sauver les dugongs/sirènes !
Des plaintes évoquant des lamentations humaines
Florence Journiac ne s’imaginait pas que cette séance de plongée sous-marine dans le lagon de Mayotte allait lui réserver une telle surprise. C’était en 2014 et il faisait beau. La rencontre eut lieu à cinq-six mètres de distance : un dugong semblait flotter entre deux eaux, impassible, paisible, imposant. Fascinant. Imperturbable. Florence savait qu’il ne restait plus qu’une dizaine de dugongs — à peine — dans les eaux mahoraises. Cette rencontre rare était donc un merveilleux cadeau de la nature. Elle prit le temps d’admirer la fabuleuse créature en voie de disparition, à distance, sans la déranger. Sans bouger. Presque religieusement. Pendant une dizaine de minutes. Consciente que cette rencontre était exceptionnelle, irréelle, hors du temps.
Quelques années plus tard, Florence en parle avec toujours autant d’émotion. Mais les occasions de rencontrer un dugong dans les eaux mahoraises sont malheureusement de plus en plus minces… A la fin du mois de janvier 2022, un dugong mort a été retrouvé flottant dans le lagon de Mayotte.
Il faut sauver notre dugong de l’océan Indien ! Dans l’ordre des siréniens, le dugong — appelé aussi «vache marine» — fait figure de créature mythique : il serait à l’origine de la légende des sirènes !
Est-ce à cause des plaintes évoquant des lamentations humaines — d’où le nom de «lamantin» attribué à son cousin — qu’il pousse lorsqu’il est harponné par des pêcheurs ? Est-ce parce que les femelles possèderaient «deux mamelles très proches, en apparence, des seins féminins» ?
Pourtant le dugong — du malais duyung —, au corps massif bien que fuselé, offre une physionomie assez lointaine de la plastique avantageuse souvent attribuée aux sirènes dans les représentations classiques.
Le dugong, objet d’un véritable culte
Ce mammifère marin et herbivore, des plus pacifiques, qui survit difficilement dans les zones côtières tropicales de l’océan Indien ainsi que dans celles de la mer Rouge et du sud-ouest de l’océan Pacifique, peut mesurer jusqu’à 4 mètres et pèse entre 500 et 900 kg.
Son corps massif se termine par une queue fourchue et aplatie horizontalement. Les membres antérieurs sont des nageoires arrondies tandis que les membres postérieurs ont disparu.
Il n’en demeure pas moins que par le passé, le dugong a été l’objet d’un véritable culte et d’une fascination — parfois intéressée… — comme en témoignent quelques photos d’archives sur lesquelles on le voit exhibé, tel un trophée de pêche, parfois affublé d’une sorte de chapelet autour du cou [voir à la fin de cet article, diverses photos prises à Aden], toujours en position verticale pour faire ressortir sa « silhouette de sirène »…
Un sanctuaire de dugongs sur l’île d’Akab
Immortalisé par Jules Verne dans «Vingt mille lieues sous les mers», le dugong est l’objet d’une chasse entreprise par le harponneur Ned Land. «Les descriptions qu’il donne de l’animal sont très exagérées, puisqu’il écrit qu’il mesure entre 7 et 8 mètres de long, et qu’il peut renverser un bateau à l’aide de ses défenses».
Dans un passé plus ancien [3500 ans avant notre ère], on retrouve la trace du dugong sur l’île d’Akab [Émirats arabes unis], à 50 km au nord de Dubaï.
Découvert en 2009 par une mission archéologique française, le sanctuaire d’Akab se situait près d’un village de pêcheurs dont on a retrouvé les habitations circulaires. Le sanctuaire a l’allure d’une plate-forme en forme d’œuf de 10 m² et d’une hauteur de 40 cm qui regroupe les restes d’une quarantaine de dugongs, disposés de façon rituelle.
Ce site rituel du Néolithique est le plus ancien de ceux de la Péninsule Arabique.
Il resterait moins de 10 dugongs à Mayotte
«Il ne s’agit pas d’une accumulation d’ossements sans organisation mais d’une structure complexe aménagée dont la construction s’est faite par étapes, rapporte le CNRS dans un communiqué en 2009. On peut en déduire que le monument d’Akab, dont l’organisation était préconçue, qui a été construit pour durer et dont le statut était très particulier, était un sanctuaire. Etait-il exclusivement voué à des rites en lien avec le dugong, dont la capture n’était pas sans risque, loin s’en faut, ou bien de la pêche/chasse en mer en général ? Aucun élément ne permet de le dire».
Aujourd’hui, c’est d’un véritable sanctuaire dont a besoin l’inoffensif dugong pour survivre. Victime de braconnage et de pêche [très prisé pour sa viande, son huile, sa peau], il est aussi fréquemment blessé par les hélices des embarcations à moteur.
Ses habitats côtiers sont en réduction, en particulier du fait du tourisme, de la pollution et de l’urbanisation des côtes. Désormais, on estime que la population mondiale des dugongs serait réduite à moins de 40.000 individus et certaines sources prétendent qu’«il en resterait moins de dix dans le lagon de Mayotte»…
Condamné au monde imaginaire des sirènes ?
Son faible taux de reproduction [un petit tous les 4 à 5 ans pour une espérance de vie moyenne de 50 ans] ne permet pas de maintenir l’espèce. Si l’on n’y prend garde, bientôt le dugong rejoindra définitivement le monde imaginaire des sirènes et pour le voir, il faudra se contenter d’arpenter le muséum d’histoire naturelle de Saint-Denis.
Pêchée dans le lagon de Mayotte, Juliette, une femelle dugong a fait son entrée au muséum d’histoire naturelle de La Réunion [Saint-Denis] en août 2012.
La technique de la sculpture, à dimension réelle et avec les empreintes de la peau, a été privilégiée, à celle de la taxidermie où la peau de l’animal est posée au-dessus d’une structure. Une technique qui s’approche de la reconstruction, explique Jack Thiney, ancien taxidermiste au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et spécialiste de la taxidermie et de la sculpture des grands mammifères.
Un nouveau Plan national d’action [2021-2025] en faveur du dugong, piloté par le Ministère de l’environnement et un collectif de partenaires3 a fait l’objet d’une consultation publique en avril 2021.
7 Lames la Mer
Les tristes sirènes d’Aden
Au début du 20ème siècle, des dugongs sont exhibés devant l’objectif de photographes, au retour de séances de pêche à Aden [Yémen]. Mais l’exhibition ne s’arrête pas à la traditionnelle photo du retour de pêche ; les dugongs sont ensuite sommairement empaillés et présentés au cours de shows lucratifs dans plusieurs hôtels [le grand hôtel Royal, l’hôtel d’Europe, etc.].
Dans la presse locale, des encarts publicitaires sont publiés pour attirer touristes et curieux : « Ne ratez pas votre chance de voir une merveille du monde et une créature de Dieu : dépêchez-vous, dépêchez-vous !»
Une cliente du Grand Hôtel, Evelyn Waugh, après avoir fait une description édifiante des conditions spartiates qu’offrait l’établissement, ajoute : « Le seul luxe compensatoire, un animal marin minable et empaillé, incontestablement mâle, qui est conservé dans un coffre et exposé solennellement – contre paiement – comme une sirène » [1946].
Des monstres poussant des cris à moitié humains
En 1917, « The daily news » [Autralie] raconte la pêche de deux dugongs à Little Aden : « Des pêcheurs ont trouvé, empêtrés dans leurs filets, deux monstres, qu’ils pensaient d’abord être des marsouins ou des requins. Les monstres se sont débattus avec fureur et ont gravement endommagé le filet, poussant des cris à moitié humains. Après un dur combat, ils furent assommés et remontés à bord. Ils furent vendus à Aden à un tailleur indien, qui tenait une petite boutique. Le tailleur les fit grossièrement empailler et les conserva, pendus dans son arrière-boutique, faisant payer les visiteurs qui souhaitaient les voir. Il y avait un mâle et une femelle, avec incontestablement des têtes, des visages et des bras humains. (…) Ils étaient monstrueusement laids. Le visage du mâle était parfaitement horrible, probablement l’expression de la haine et de la peur face à la mort. La femelle n’était pas beaucoup mieux. (…) Ils avaient les cheveux courts et le menton dans le cou. (…) Les bras et les mains étaient particulièrement humains, mais à plus petite échelle proportionnellement à un humain. Comme ils étaient accrochés au mur, avec les queues touchant le sol, ils étaient beaucoup plus grands qu’un homme. (…) Les parties génitales étaient exactement humaines« .
Les dugongs finiront au muséum d’Aden, installés dans trois énormes boîtes semblables à des cercueils. « Le rembourrage les avait rendus encore plus grotesques qu’ils ne le sont dans la vie et le taxidermiste s’était efforcé d’augmenter leur ressemblance avec des sirènes ou des tritons en mettant l’accent sur l’organe génital du mâle et sur les seins des femelles« , raconte Sidney Dillon Ripley [1913/2001], ornithologue américain, dans son livre intitulé « The Land and Wildlife of Tropical Asia » et publié en 1964.
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