Titâne ec Bougrenette : secret si-tant-tellement secret (3/3)
Na de moun i dit comme-sa navé des-certains té i connaît à-cause le village té i appelle Port-sur-Mer et à-cause in bougue té i appelle Titâne et inn ti-fille té i appelle Bougrenette. Sak té i connaît toute-sa-là té i connaît de secret si-tant-tellement secret que même bann douanier té i oit pas passé ! Zistoire Titâne ec Bougrenette. Dernier boute.
Dans village Port-sur-Mer, navé in géant té i appelle Titâne. Titâne té i aime toute marmaille mais sak li té préfére té la tite Bougrenette. Titâne té i supporte pas i tape marmaille.
Comme sa-même, le 5 juillet, dann café de la Marine l’arrivé le premier «bading ! badang ! badadang !» de Titâne. M. Murévert lavé envoye inn taloche su son deux marmaille à-cause zot linge neuve té taché ec la peinture. Titâne la trape le garagisse par in pied, li la fait tourne le bougue au-dessus de sa tête comme in l’hélice bateau et la envoye ali faire in grand plouf en plein dann port.
Le deuxième «bading ! badang ! badadang !» de Titâne, té le 20 août : Bébert de la Villette la fait in pariage ec Bougrenette comme quoi son papa, que té «toucheur de boeuf» à la Villette té plus fort que Titâne.
— Allons fait in pariage Titâne i envoye ote papa en plein dann port ! la dit Bougrenette.
— Toute sa qu’ou veut ! la dit Bébert.
— Même ote couteau ? Bougrenette la demandé.
— Mon couteau ? Ou veut rire ! Sa in couteau suisse, li na six lame !
— Ou dégonfe, Bébert !
— Lé bon, kosa mi rixe ? Et d’abord-inn, comment ou sar fait ? Ote Titâne i veut pas bataille ! Li lé mol !
— Rode pas, ou. Sa mon secret, sa, «mon vieux» !
Comme sa-même Norbert-la-Villette ec Bougrenette la rente dann café de la Marine. Le papa de Norbert t’après cause ec monsieur Croustet, le boulanger de Port-sur-Mer. Bougrenette la avance ti-doucement devant le toucheur-de-boeuf, elle la criye in coup, elle la tonm à terre.
Quand Titâne la vire son tête pou oir kosa lavé arrivé, Bougrenette la monte papa de Norbert ec son doigt :
— Ali même la tape amoin ! la dit Bougrenette.
Croustet le boulanger la plonge sous la tabe. Té le deuxième «bading ! badang ! badadang !» de Titâne. Le toucheur-de-boeuf té vraiment gros, li té lourd, lourd même : quand li la fait «plouf !» en plein dann port, trois canote la coulé !
In matin, Bougrenette la cause sanm marmaille Port-sur-Mer :
— Bonna, moin la magine inn affaire : sak i manque anous, st’in camion !
Toute la bann la guette Bougrenette : Toussaint (zenfant le douanier Furacci), Perrine (la fille Croustet le boulanger), Valentin (garçon le maire), Sabine (la fille la receveuse-des-postes), toute la bann la guette Bougrenette ! Zot té en l’admiration : comment zot lavé pas magine in zaffaire comme sa, depuis le temps ? In camion ! Zot té gaingne pu causé.
Zot la rente zot case, zot té magine : comment zot lavé fait jusqu’à coméla pou vive sans camion ? Dans zot lit, la nuite, zot té i rêve rien que camion.
Et alala, lannmain matin, inn pétarade camion la réveille bann zabitant de Port-sur-Mer. Inn tralée de camion la déboule dann village, navé de camion partout, toute qualité de camion : le petit, le gros, le vieux, le moderne, camion ec plateau, camion ec inn bâche, et navé aussi de roulotte ! Plein de roulotte toute côté. Bann camion la traverse Port-sur-Mer et la cale su la place, côté le port. Le cirque té là pou la fête Port-sur-Mer !
Marmaille té i guette toute bann camion, zot té i trouve si-tant-tellement joli que bann chauffeur té obligé tsann à-terre pou pousse azot su le côté, pangar zot noré crasé.
Le plus gaillard camion té le plus vieux : li té en-l’air, su quate grand roue, noré dit li té marche su quate z’échasse. Li navé de lanterne en cuive et son quate roue té en caoutchouc plein :
— Lé gaillard ! la dit Toussaint, zenfant le douanier, la roue i perce pas jamais.
Mais sak té plus gaillard encore, té marqué dessus : à-vann ! Marmaille la désigne Bastien pou allé renseigné : li té fait plus vieux que son âge et li té garçon le gérant les «docks méditerranéens». Dann «docks méditerranéens», té i vann toute qualité zaffaire, sauf poisson.
— Alors sé ou i veut acheté mon camion ? la dit le bougue.
— Hein, hein, la pas moin, Bastien la réponn, non, moin la entann de monn causé : paraît-il Titâne, in pêcheur, noré besoin in camion. mais pas trop cher.
— Bin dit ote Titâne comme-sa, si li vient oir amoin ec in billet de cinq cent franc, le camion sera pou li. Li repart ec le camion, bon débarras !
Cinq cent franc ! Zot i magine in peu ! La nuite, dans zot lit, marmaille Port-sur-Mer la pas gaingne sommeil : zot té i rode in moyen pou trouve cinq cent franc.
Lannmain matin, marmaille la ni oir la parade pou le cirque : zot la écoute le dresseur de lion, le docteur Frankenstein, le radjah Mahapour et le vendeur de billet de loterie «à-tous-les-coups-zot-i-gagne !».
Mais toute-sa-là té i vaut pas le défi bann lutteur. Le ramasse-menteur t’après fait la présentation in lutteur té i appelle «le Bison de Popocatepelt» (tous les trois-quate mot in jeune marmaille, ec son cheveu gardien-volcan, té i fait in roulement de tambour) :
— Bonna, zot i connaît, la dit le ramasse-menteur, le Popocatepelt st’in volcan mexicain ! (rataplan !), quand li lé en colère, sorte devant ! Le Popocatepelt i tué toute inn population en trois minute ! (Ran ! Ranplan ! Plan ! Plan !). Là-même note Bison Popocatepelt lé né (Ran ! Ran !). Kisa i vient relève le défi conte le Bison ? (Rataplan !). Note directeur la mette en jeu (Ran ! Ran !) cinq cent franc (Rataplan !)
pou sak va ni à-bout batte le Bison de Popocatepelt ! Et tous-les-coups lé permis ! (Rataplan !).
Quand zot la entann sa, bann marmaille la guette Bougrenette : zot toute lavé calcule le même zaffaire. Toute la bann la court oir Titâne, sauf Bougrenette.
Elle la resse en place, elle té i écoute le ramasse-menteur, elle té guette le Bison de Popocatepelt. La pas traîné, marmaille la revenu :
— Li veut pas bataille, la dit Toussaint, zenfant le douanier Furacci.
— Kisa ? Bougrenette la demandé (elle té fait comme si elle té connaît pas).
— Ou connaît très bien : Titâne !
Bougrenette la fait comprann la bann zot té pas trop futé :
— Laisse amoin occupé, moin la fine magine inn affaire.
Bougrenette la fait le tour par derrière la barraque. Elle la parti oir le marmaille cheveu-volcan, li t’après ramasse son tambour.
Comme sa-même elle la appris le rouquin té i joué pas seulement tambour, li té aussi «soigneur» :
— Kosa i lé in soigneur ? Bougrenette la demandé.
— Le soigneur, la dit le rouquin, sé le bougue lé dann coin le ring : ali-même i soigne bann boxeur, lutteur, catcheur, toute-sa-là. Li na inn serviette, inn cuvette, pansement, médicament, toute sak i faut, quoi, pou armette le bougue d’aplomb.
— Ou la vu mon couteau ? Bougrenette la demandé.
— Fait oir, va. Sa in couteau suisse, sa !
— Ou connaît alors, la dit Bougrenette, et li na six lame !
— Ou serait d’accord pou donne amoin ote couteau ?
— Bin oui, si ou fait inn affaire pou moin.
— Et kosa i faut mi fait ? ti rouquin la demandé.
— I faut ou gaingne inn taloche !
— Inn taloche ? Rien qu’inn ? Pou qu’ou donne amoin le couteau ? Mais quelle qualité de taloche, alors ?
— Ah sa, la dit Bougrenette, inn taloche, inn calotte, in tapin, comme ou veut.
Le tambour soigneur la dépliye inn par inn le six lame le couteau suisse :
— I vaut bien inn taloche, mais alors rien qu’inn.
Bougrenette la crache à-terre :
— Tracasse pas ou, nora rien qu’inn, sa lé sûr ! Parole ! Croix-de-bois, croix-de-fer, si mi mentit, mi sar en enfer.
— Lé bon, la dit le rouquin, esplique amoin le trucmardage !
Le dimanche après-midi, de monn té en poundiak pou oir le combat de lutteur. Bann spectateur té entassé comme sardine sous le chapiteau. Quand Titâne la éternué, navé au moins dix bonhomme la vole dehors.
Su le premier banc, jusse devant le ring, navé toute marmaille Port-sur-Mer. Bougrenette té assise côté Titâne. Normalement Titâne té i aime pas la lutte, mais marmaille té tellement gentil ec li, Bougrenette en premier. Elle lavé dit comme sa :
— Titâne, ou devrait invite toute mon camarade. Bonna serait content et moin surtout.
Titâne lavé grogne inn ti peu. Mais li lavé calculé si li té mange in peu moin de poisson, li noré plus pou vann. Et li noré plus l’argent. Li noré de quoi réserve toute le premier rang pou Bougrenette ec son camarade. Comme sa même marmaille Port-sur-Mer té assise jusse devant le ring pou oir le match bann lutteur.
— Ala le Bison ! la dit Bougrenette , aguette Titâne, le combat i sar commencé. Titâne, ou oit le ti garçon derrière le Bison ? Bin li appelle José. Sa mon camarade, sa. Son métier sé «soigneur».
— Et kosa li sar fait asteure, ote camarade soigneur ? Titâne la demandé.
— Bin … euh … mi connaît pas trop, Bougrenette la réponn, attann, nous va oir.
Titâne la commence trouve sa gaillard : li té calcule li noré été bien bête si li lavé manque le pestac. Bougrenette lavé bien fait rale ali terlà. Su le ring, en short, le gabier-costaud t’après fait de mouvement de gymnastique, li té prépare pou le match. Derrière li, dann coin le ring, navé José, le soigneur gardien-volcan.
En missouque, José la tire le couteau suisse dans son poche, li la choisi inn lame bien pointu et li la pique dann derrière le Bison-du-Popocatepelt. Le Bison la grogné comme in lion, li la vire son tête pou oir kosa lavé pique ali. Quand li la vu le ti soigneur ec le canif dans son main, li la allonge le marmaille inn taloche, la résonné partout sous le chapiteau.
Té i resse jusse deux-trois spectateur assise, sak té ni Port-sur-Mer en vacance, sak té i connaît pas. Mais toute zabitant Port-sur-Mer té fine cachette sous le bann gradin. Té le troisième «bading-badang-badadang !» de Titâne. Faut pas trop pleuré su le sort le Bison-du-Popocatepelt : sa-même même la rann ali célèbe. Du coup li la change son nom, quand li la sorte l’hôpital : li té appelle pu le Bison-du-Popocatepelt, li té appelle «le Spoutnik Port-sur-Mer».
Depuis le soir là-même et tous-les-jours jusqu’à la fin de vacance, le village Port-sur-Mer la gaingne in pestac gratuite, personne lavé jamais vu su le bord la mer Méditerranée : le plus joli camion su la terre, chargé de zenfant, té entassé n’importe comment, malgré que té interdit, ec Titâne au volant ! In Titâne té i tranm tellement li lavé peur.
Bougrenette té assise su son zépaule, elle té pareil le marin en-l’air dans son tonneau té i guette toute côté pou criye : «Terre ! Terre !». Mais Bougrenette té i criye pas «Terre ! Terre !», non va, elle té criye «Mer ! Mer !», jusse le temps que Titâne i donne in coup de volant pou pas tonm dedans.
Pauve Titâne té i connaît pas conduire, li navé point de permis. Seulement li lavé pas dit personne ! Et kisa noré magine allé demann Titâne si li navé son permis ? Toute manière le camion té i arrive même pas quinze-à-l’heure. Pou dire, Zénobie, la tortue de capitaine Boute-en-train, té i prend tout son temps pou coupe chemin, quand le camion té i déboule dans la Grann Rue, l’ote côté le port.
Comme sa-même le soleil la continué de brillé su Port-sur-Mer : le chien ec le chate aussi té i joué ec le vieux camion, comme si que té azot. Sa té dans inn ti village té i appelle Port-sur-Mer, su le bord la mer Méditerranée.
Na de mon té i dit comme-sa navé des-certains té i connaît à-cause le village té i appelle Port-sur-Mer et à-cause in bougue té i appelle Titâne et inn ti-fille té i appelle Bougrenette.
Sak té i connaît toute-sa-là té i connaît de secret si-tant-tellement secret que même bann douanier té i oit pas passé !
Fin
- «Titâne le géant ec Bougrenette inn ti-fille misère (1)», 1er boute.
- «Pas besoin ou la peur Titâne, le vilain bébète… (2)», 2e boute.
Texte d’origine et illustrations : Jean Pierre Chabrol
Avec l’aimable autorisation d’Elsa Chabrol
Traduction en créole réunionnais (Zistoire en France) : Jean-Claude Legros