Localisée généralement au Sud de La Réunion, l'île fantôme de Juan de Lisboa apparaît et disparaît…
La Réunion, le dernier grand voyage de Willy Ronis
Deux photographes dans une voiture, le Réunionnais, Claude Thérésien, et le Maître, Willy Ronis. Saint-Paul, Tour des Roches, île de La Réunion, 1990. Armé de son Leica et de son Pentax, Willy Ronis fait stopper la voiture devant une petite ravine où jouent des enfants. Il réalise deux clichés de la scène. «J’ai fait clic. Dans un état second, dans une émotion intense. J’ai fait un deuxième clic, pour décompresser». Depuis, cette photo a fait le tour du monde.
Un deuxième clic, pour décompresser
Claude Thérésien n’a rien oublié de cette journée hors du temps. C’était en novembre 1990. Plein soleil. Il conduisait le grand photographe Willy Ronis pour lui faire découvrir La Réunion.
Aujourd’hui, il fouille sa mémoire avec émotion à la recherche de ces instants magiques, passés trop vite… Les images se bousculent dans sa tête. Cette tranche de vie l’a marqué à jamais.
«Un merveilleux souvenir», confie-t-il. «On roulait sur la petite route du Tour des Roches à Saint-Paul. A proximité de la roue-à-eau, Willy Ronis a voulu s’arrêter. Il y avait des enfants qui jouaient dans l’eau pendant que leur mère lavait le linge. A cet endroit, j’ai pris plusieurs dizaines de photos. Lui, il n’a fait que deux clichés. Une grande leçon».
Réalisme et poésie
«J’ai fait clic. Dans un état second, dans une émotion intense», racontait Willy Ronis. «J’ai fait un deuxième clic, pour décompresser. J’ai senti confusément que si je ne ratais pas mon coup, je venais de faire quelque chose d’important dans ma vie»1.
Le grand photographe Willy Ronis, connu notamment pour ses clichés de Belleville et Ménilmontant, a donc séjourné à La Réunion en novembre 1990. Invité par le maire du Port de l’époque, Pierre Vergès, il a participé aux deuxièmes «Rencontres Internationales de la Photographie de la Ville du Port». Et a signé à cette occasion un reportage photographique au regard réaliste et empli de poésie sur notre île.
Willy Ronis, Sebastião Salgado, Guy Le Querrec…
Le travail «autour de l’image» initié alors dans la cité maritime par Alain Séraphine et d’autres artistes [Chaab, Kathleen Scarboro, Jack Beng Thi, Henri Maillot, Antoine du Vignaux, Ida Aït El Hadj, Jean-Pierre Gallo, etc.], en tant que militant culturel, plasticien, puis élu, avait contribué à sensibiliser les esprits à l’expression artistique : sculptures, peintures murales, installations monumentales se sont mises à coloniser l’espace urbain.
Willy Ronis était accompagné, pendant son séjour chez nous, de deux autres grands photographes : Sebastião Salgado et Guy Le Querrec. Partager un repas avec ces trois là à table relevait du rêve… Une grande amitié, une rare complicité et un profond respect les unissaient.
Le regard vif derrière ses petites lunettes
Willy Ronis était fasciné par les paysages de l’île et attendri par les Réunionnais. Chapeau sur la tête, Leica en bandoulière, il avait le regard vif derrière ses petites lunettes, et une discrétion qui est la marque des grandes âmes. Il semblait prêt à s’aventurer toujours plus loin, indifférent à la chaleur et au poids des ans [il avait alors 80 ans], animé d’une curiosité généreuse.
Au-delà de cette soif de découverte et de partage, il avait gardé cette grâce qui caractérise l’enfance, capable de déceler le «merveilleux» en chaque chose, sans jamais perdre de vue les inégalités qui minent les sociétés.
Il avait un talent inné pour l’altérité, une facilité à aller vers les autres, à nouer le contact et à se faire accepter dans un élan de fraternité. Tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer au cours de ce séjour, ont gardé de lui un souvenir ému. Particulièrement, les photographes de La Réunion.
«Willy Ronis place l’homme au centre de son œuvre»
«Personnage clé de l’histoire de la photographie française, Willy Ronis est l’une des plus grandes figures de cette photographie dite «humaniste», attachée à capter fraternellement l’essentiel de la vie quotidienne des gens. Devenu reporter photographe en 1936, Willy Ronis place l’homme au centre de son œuvre, en posant sur lui un regard optimiste et bienveillant. Willy Ronis n’en néglige pas pour autant de rendre compte de la dureté de l’époque, d’où ces nombreuses images sur le monde du travail et les luttes ouvrières, marquant son empathie et un engagement social qui perdure tout au long de son œuvre».
Au cours de son séjour, Willy Ronis a enchaîné les expériences, les découvertes et les rencontres : bar à musique [Ti Bird], théâtre et sa traversée du long tunnel dans le petit train, cirque de Cilaos, marché de Saint-Paul, quartier de l’Epuisement au Port, kabar, etc.
Un séga au milieu des rails
Lors de la représentation de la pièce du théâtre Vollard à la Grande-Chaloupe, «Lepervenche, chemin de fer», il réalise une émouvante photo de son ami, Guy Le Querrec, dansant un séga au milieu des rails avec la comédienne Délixia Perrine.
Willy Ronis est mort le 11 septembre 2009 à l’âge de 99 ans à Paris. Son dernier «grand voyage» restera l’île de La Réunion.
7 Lames la Mer
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