Elle est la première femme à porter des jeans à Mexico et elle fume la pipe.…
Frida Kahlo : «Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée» !
Elle est née le 6 juillet 1907 à Coyoacán, au sud de Mexico, dans la «Casa Azul» [Maison Bleue]. Et c’est dans la Casa Azul qu’elle meurt le 13 juillet 1954 à 47 ans. Depuis, Frida Kahlo est entrée dans la légende. «Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée», disait celle qui fut incinérée le 14 juillet 1954. Hommage.
«J’ai peint ma réalité»
Peintre et féministe, Frida Kahlo laisse une oeuvre remarquable — notamment une série d’autoportraits — qui témoigne à la fois des souffrances de l’existence [souffrances physiques et blessures à l’âme…] et de sa résistance étonnante.
Elle formait avec le peintre Diego Rivera [8 décembre 1886 / 24 novembre 1957] un couple mythique et engagé.
Voici l’histoire de celle qui affirmait, comme pour prendre le contre-pied des surréalistes : «je n’ai jamais peint mes rêves. J’ai peint ma réalité».
Casa Azul… la maison bleue
Frida Kahlo — Magdalena Carmen Frida Kahlo Calderon — voit le jour dans la «Maison Bleue» [Casa Azul — actuel Musée Frida Kahlo], le 6 juillet 1907, au milieu d’un quartier populaire de Coyoacán, au sud de Mexico.
C’est une «maison mexicaine traditionnelle peinte dans un bleu profond et ornée de bordures rouges». Sur certains documents, Frida remplace l’année de sa naissance [1907] par 1910, date du début de la révolution mexicaine. Elle entend ainsi affirmer son attachement aux idéaux révolutionnaires mais aussi aux traditions mexicaines.
À l’âge de 6 ans, Frida est atteinte par la poliomyélite qui atrophie sa jambe droite ; elle doit garder le lit pendant plusieurs mois.
En 1922, elle intègre à 16 ans l’Escuela Nacional Preparatoria et s’engage ensuite dans des études de médecine… malgré l’intérêt qu’elle porte aux beaux-arts.
Définir une âme mexicaine
«Je sentais suffisamment d’énergie en moi pour faire n’importe quoi à la place des études de médecine. Et sans y faire trop attention, je me mis à peindre».
Comme nombre de ses contemporains, Frida Kahlo cherche à définir une âme mexicaine ; elle en deviendra l’un des symboles les plus populaires.
Icône happée par la sphère commerciale
Aujourd’hui, 69 ans après la disparition de Frida Kahlo, son image — à l’instar de celles du Che, de Marilyn ou de Jim Morrison — a été happée par la sphère commerciale.
Véritable icône, elle se décline sur tee-shirts, bijoux, sacs, valises, tissus, lignes de vêtements, chaussettes, poupées, coussins, coques de smartphones, etc.
Les souffrances endurées…
Le destin de Frida Kahlo va basculer le 17 septembre 1925 [elle a alors 18 ans]. Ce jour-là, elle prend le bus pour rentrer chez elle après ses cours.
«A cette époque, les bus étaient très peu résistants. (…) Je montai dans le bus avec Alejandro Gomez Arias et m’assis à côté de lui près du bout de la rambarde. Un peu plus tard, le bus entra en collision avec un tramway (…) et le tramway écrasa le bus contre le coin de la rue».
Plusieurs personnes trouvent la mort dans ce terrible accident. «Le choc nous a projetés en avant et une barre d’appui m’a transpercée comme une épée transperce un taureau», écrit-elle plus tard.
Grièvement blessée, Frida sera alors contrainte de porter durant neuf mois des corsets en plâtre. Dans un rapport médical, le Dr. Henriette Begun fait une description des traumatismes et lésions de Frida qui donne une idée de l’étendue des souffrances endurées.
Fractures, blessures, déchirures…
«L’accident a causé des fractures des troisième et quatrième vertèbres lombaires, trois fractures du pelvis, onze fractures du pied droit, la dislocation du coude gauche, une profonde blessure abdominale causée par une rambarde d’acier, entrée par la hanche gauche, sortie par le vagin, déchirant la lèvre gauche». (…)
«Fracture de la colonne vertébrale ignorée par les médecins jusqu’à ce que le Dr. Ortiz Tirado ordonne une immobilisation au moyen d’un corset de plâtre pour une durée de neuf mois… À partir de ce moment, a éprouvé une sensation de fatigue constante et parfois des douleurs dans la région lombaire et dans la jambe droite, qui ne la quittent plus désormais».
«Je suis la personne que je connais le mieux»
C’est alors qu’elle commence à peindre… «Je n’avais jamais pensé à la peinture avant 1926, quand j’ai dû rester alitée suite à l’accident. Je m’ennuyais beaucoup dans mon lit, j’étais plâtrée (je m’étais fracturé la colonne vertébrale et d’autres os), alors j’ai décidé de faire quelque chose. J’ai chipé de la peinture à l’huile à mon père et ma mère m’a fait fabriquer un chevalet spécial, parce que je ne pouvais pas m’asseoir. Voilà comment j’ai commencé à peindre».
Elle peut alors se servir de son reflet comme modèle et signera une longue série d’autoportraits [parmi les 150 peintures qu’elle réalise]. «Je peins des autoportraits parce-que je me sens si souvent seule et parce-que je suis la personne que je connais le mieux».
Elle doit subir de nombreuses interventions chirurgicales qui l’obligent à rester couchée sur un lit et qui provoquent de grandes souffrances.
Frida la militante
Dès 1928 [21 ans], convaincue par son amie Tina Modotti1, photographe militante, elle s’engage au parti communiste mexicain et s’investit dans l’émancipation de la femme.
La même année, elle rencontre le peintre Diego Rivera. «Je tombai amoureuse de Diego et cela déplut à mes parents parce que Diego était communiste et parce qu’il ressemblait à un gros, gros, gros Bruegel. Ils disaient que ce mariage ressemblait à celui d’un éléphant et d’une colombe».
Frida et Diego se marient un an plus tard, le 21 août 19292. La fête du mariage se déroule dans une atmosphère théâtrale et tumultueuse, sur la terrasse du toit de la maison de Tina Modotti. En 1930 [23 ans], ils s’installent à San Francisco, où Rivera reçoit plusieurs commandes.
Après quelques allers-retours entre les Etats-Unis et le Mexique, et après que Frida ait subit deux avortements, le couple rentre à Mexico pour s’installer dans la banlieue de San Angel.
Un autoportrait pour Trotski
Le 24 janvier 1937, Frida et Diego accueillent Léon Trotski et sa femme Natalia Sedova. Le couple sera alors hébergé dans la maison bleue de Coyoacán — Casa Azul. Frida et Trotski ont eu une liaison que l’on dit passionnée.
Frida lui dédicace d’ailleurs un tableau à l’occasion de son anniversaire, où elle se montre sous son meilleur jour et écrit : «Pour Léon Trotski avec tout mon amour, je dédis cette peinture, le 7 novembre 1937». Trotski sera assassiné deux ans plus tard à coups de piolet… [août 1940].
Un «ruban autour d’une bombe»
A l’automne 1938 [31 ans], Frida Kahlo présente ses œuvres, dans sa première exposition individuelle, à la galerie Julien Levy de New York, où elle rencontre un franc succès.
En 1939 [32 ans], elle se rend à Paris pour y exposer ses tableaux ; elle fréquente alors les surréalistes dont André Breton qui qualifie son art de «ruban autour d’une bombe». Mais Frida se sent avant tout Mexicaine dans l’âme. Et révolutionnaire dans l’art.
De retour à Mexico, elle s’installe dans la Casa Azul et divorce pour se remarier un an plus tard avec… Diego !
Sept opérations de la colonne vertébrale
Mais le temps qui passe a raison de sa santé ; les douleurs au dos deviennent intolérables. Elle subit sept opérations successives de la colonne vertébrale ; sa convalescence manquera de la rendre folle.
Au cours des dix dernières années de sa vie, Frida Kahlo sera entravée au niveau du torse par des corsets contraignants ; vingt-huit corsets en dix ans.
Malgré son handicap et son nouveau fauteuil roulant, elle continue de peindre et de militer, jusqu’à assister à sa tant désirée exposition individuelle dans son pays.
«J’attendrai encore un peu…»
En août 1953 [46 ans], atteinte d’une gangrène incurable, elle est amputée de la jambe droite jusqu’au genou. Cette opération apaise ses souffrances mais la plonge dans une profonde dépression… Frida accepte, à contre-cœur, une jambe de bois.
«On m’a amputé la jambe il y a six mois qui me paraissent une torture séculaire et quelques fois, j’ai presque perdu la tête. J’ai toujours envie de me suicider. Seul Diego m’en empêche, car je m’imagine que je pourrais lui manquer. Il me l’a dit, et je le crois. Mais jamais de toute ma vie, je n’ai souffert davantage. J’attendrai encore un peu… » [Journal de Frida Kahlo, février 1954].
«J’espère bien ne jamais revenir»
Souffrant d’une grave pneumonie, Frida Kahlo meurt dans la nuit du 13 juillet 1954, sept jours après son quarante-septième anniversaire.
Les derniers mots de son journal furent «J’espère que la sortie sera joyeuse… et j’espère bien ne jamais revenir… Frida».
Pourtant, en travers de son dernier tableau, peint juste avant de mourir, elle a écrit : «Viva la Vida».
«Je ne veux plus jamais rester couchée !»
Le 14 juillet, elle est incinérée selon son désir : «Même dans un cercueil, je ne veux plus jamais rester couchée !»
Ses cendres reposent dans la Casa Azul à Coyoacán, sur son lit, dans une urne qui a la forme de son visage.
7 Lames la Mer
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La voix de Frida Kahlo dévoilée par un vieil enregistrement oublié ?
Une bande sonore inédite [de deux minutes] avec une voix de femme pouvant bien être celle de Frida Kahlo a été découverte récemment dans les archives d’Alvaro Gálvez y Fuentes [1918/1975], un des animateurs vedettes de «l’âge d’or» de la radio mexicaine. Cet enregistrement fait l’objet d’analyses à la Phonothèque nationale du Mexique.
Sur cette bande sonore exhumée de l’oubli, on découvre une voix féminine et mélodieuse lisant un texte de Frida Kahlo écrit en 1949 à l’occasion du 50e anniversaire de la carrière artistique de Diego Rivera : «Avec sa tête asiatique, sur laquelle poussent des cheveux sombres, si fins et si légers qu’ils semblent flotter dans les airs, c’est un grand enfant, immense, au visage aimable et au regard triste».
«La voix de Frida a toujours été une énigme, une quête permanente (…) Jusqu’à aujourd’hui, il n’existait pas d’enregistrement de Frida Kahlo», a déclaré Pavel Granados, directeur de la phonothèque nationale, lors d’une conférence de presse.
Sources : «Kahlo», Gerry Souter, Parkstone, 2005. «Frida Kahlo: Fashion as the Art of Being», Susana Martínez Vidal, Assouline, 2016. Site Frida Kahlo, etc.
Réalités émergentes Réunion, Océan Indien, Monde.
Presse, Edition, Création, Revue-Mouvement.
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- Ils divorcent le 6 novembre 1939 et se remarient le 8 décembre 1940, jour de l’anniversaire de Diego.