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Chagos : Rita Bancoult, morte avec son rêve
«Le jour où je reposerai sur mon lit de mort, ce jour-là mourra aussi le rêve que j’ai porté dans mon cœur depuis que j’ai quitté ma patrie : le rêve d’y retourner». Rita Bancoult, 91 ans, figure emblématique de la lutte des Chagossiens, a fermé les yeux pour la dernière fois, le 19 décembre 2016, loin de la terre de ses ancêtres. Hommage à cette grande dame qui, à 91 ans, n’avait jamais renoncé.
Même s’il faut marcher à genoux
Rita Bancoult, la mère d’Olivier Bancoult leader du «Chagos Refugees Group», est morte le 19 décembre 2016, à l’île Maurice. Ainsi disparaissait l’une des dernières grandes figures qui ont incarné les débuts de la lutte des Chagossiens, il y a près de 40 ans.
Rita Bancoult était une femme de caractère, engagée, militante. «Tant que je serai vivante, je lutterai même s’il faut pour cela marcher à genoux», déclarait-elle à la caméra de John Pilger, en 2004.
Elle a vécu le martyre de son peuple : l’exil. Elle a vécu la tragédie dans sa chair ; une fille qui s’est tuée en s’immolant par le feu, un garçon mort dans la drogue, deux autres garçons emportés par le désespoir et l’alcool…
Diego Garcia transformée en base militaire par les USA
Dans le film de John Pilger, «Stealing a nation» [voir vidéo ci-dessous], Rita Bancoult raconte comment on lui a appris sans ménagement, à l’issue d’un séjour à l’île Maurice, qu’elle et sa famille ne pourraient plus retourner aux Chagos. Comment, entendant cela, son mari est mort d’une attaque…
Au «paradis des Chagossiens», Rita rejoint Lisette Talate, décédée le 4 janvier 2012, et Charlésia Alexis, décédée le 16 décembre 2012, autres militantes acharnées.
Elle retrouvera aussi Marie-Elphegia Véronique1, autre grande dame de la cause chagossienne et bien d’autres — femmes, hommes — qui ont lutté sans relâche pour avoir le droit de retourner vivre dans leur pays, l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien, confisqué par la Grande Bretagne et transformé en base militaire par les USA [île de Diego Garcia]…
Pour que justice soit rendue
L’armée américaine a été autorisée à occuper militairement l’île de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos depuis le 30 décembre 1966, un archipel vidé manu militari de ses habitants.
La mort de Rita Bancoult est un symbole qui comptera dans la suite de la lutte de ce peuple : «Rita Bancoult restera pour toujours l’exemple qui continuera à inspirer la détermination chagossienne», résume Le «Comité Solidarité Chagos La Réunion» dans un communiqué.
Enfant, Olivier Bancoult avait promis à sa mère Rita qu’il mènerait la bataille pour que justice soit rendue à son peuple. Promesse tenue.
«7 Lames la Mer» salue la mémoire de Rita Bancoult, combattante éternelle.
7 Lames la Mer
Extrait d’une lettre de Rita Bancoult à l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Maurice
(…) Vous devez savoir que, pour moi, les Britanniques ont volé aux Chagossiens leur droit de vivre.
Le jour où j’ai appris que je ne pourrai jamais plus retourner dans mon île, ce fut comme si l’on m’avait planté un couteau dans le cœur, et je pouvais sentir couler mon sang de cette blessure.
Je peux encore la sentir en moi. Nous avons été vendus comme des animaux. Savez-vous ce que cela fait d’être arraché de sa terre natale et jeté n’importe où ?
Je crains de mourir avant que mon vœu ne soit exaucé
Vous vous sentez plus bas qu’un animal. Vous êtes privé de votre dignité. Mais pire que tout, vous n’avez plus d’identité. Nous les Chagossiens avons été volés de notre dignité. C’est cela que je ressens ici.
M. Leake, mon nombril est enterré là-bas, à Peros Banhos. Je n’ai jamais cessé de penser à ma terre natale et aux tombes de mes proches et des chers disparus que j’ai laissées derrière moi.
Le jour où je reposerai sur mon lit de mort, ce jour-là mourra aussi le rêve que j’ai porté dans mon cœur depuis le jour où j’ai quitté ma patrie − le rêve d’y retourner.
Je n’ai plus qu’un seul désir aujourd’hui, c’est celui de mourir à Peros Banhos et d’être enterrée dans le cimetière où j’ai déjà enterré deux de mes enfants et mes parents. Je crains de mourir avant que mon vœu ne soit exaucé.
Le plus grand malheur qu’une nation puisse endurer
Mais je ne renoncerai jamais à mes droits.
J’espère que cette lettre touchera votre cœur. J’espère aussi que vous ne traverserez jamais les épreuves que moi et mon peuple avons traversées durant toutes ces années. Car c’est le plus grand malheur qu’une personne et une nation puissent endurer.
Marie Rita Elysée Bancoult
Cité Zilois
(traduction Alain Dreneau)
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