Les 24, 25 et 27 février 2007, le cyclone Gamède secoue l’île de La Réunion. La…
L’oiseau-éléphant perce un mystère malgache
Il y a quelques années [2014], un œuf a été présenté aux enchères à Marseille. Mise à prix initiale : 35.000€ pour ce vestige mythique. Il s’agissait d’un œuf d’Aepyornis Maximus, oiseau-éléphant de Madagascar, espèce disparue et popularisée par les «Contes des mille et une nuits» à travers l’image de l’oiseau rokh… Récemment, une étude liée aux fossiles d’Aepyornis a bouleversé les théories concernant l’arrivée de l’homme sur la Grande Ile.
« Ce pied était aussi gros qu’un tronc d’arbre »
La lecture du mythique livre « Les mille et une nuits » — adaptation d’André Talmont, 1891 — fait surgir de la brume marine un oiseau fabuleux :
Lorsque j’en fus à une distance raisonnable, je remarquai que c’était une boule blanche d’une hauteur et d’une grosseur prodigieuses. Dès que j’en fus près, je la touchai et la trouvai fort douce. Je tournai à l’entour pour voir s’il n’y avait pas d’ouverture : je n’en pus découvrir aucune et il me parut qu’il était impossible de monter dessus, tant elle était unie. Elle pouvait avoir cinquante pas de circonférence.
Le soleil était alors prêt de se coucher ; l’air s’obscurcit tout-à-coup, comme s’il eut été couvert d’un nuage épais. Mais si je fus étonné de cette obscurité, je le fus bien davantage quand je vis que ce qui la causait était un oiseau d’une grandeur et d’une grosseur extraordinaires, qui s’avançait de mon côté en volant. Je me souvins d’avoir entendu parler aux matelots d’un oiseau appelé rokh et je supposai que la grosse boule devait être un oeuf de cet oiseau. En effet il s’abattit et se posa dessus comme pour le couver. En le voyant venir, je m’étais serré fort près de l’oeuf, de sorte que j’eus devant moi un des pieds de l’oiseau et ce pied était aussi gros qu’un tronc d’arbre. »
L’oiseau-éléphant et les «Contes des mille et une nuits»
Ce passage du «Deuxième voyage de Sindbad le marin» est extrait des «Sept voyages de Sindbad le marin», qui constituent la 133ème nuit [volume 6] des «Contes des mille et une nuits», fable légendaire d’origine arabe contée nuit après nuit par la belle Shéhérazade pour échapper à la mort.
Sindbad était un marin de la ville de Bassora en Iraq, dont les aventures fantastiques se sont déroulées principalement dans l’océan Indien.
Selon les spécialistes, l’oiseau rokh de Sindbad proviendrait de récits de marins ayant sillonné l’océan Indien jusqu’aux confins de la Grande Ile, et ferait ainsi référence à l’Aepyornis Maximus, l’oiseau-éléphant de Madagascar, aujourd’hui disparu1.
Un oeuf d’Aepyornis au Muséum du Jardin de l’Etat
Dans les années soixante, trônait dans une vitrine du Muséum d’Histoire Naturelle du Jardin de l’Etat à Saint-Denis un oeuf énorme que dans notre naïveté d’enfants nous prenions pour un oeuf de dodo. Il n’en était rien : c’était un oeuf d’Aepyornis, l’oiseau-éléphant.
Les Aepyornis étaient des oiseaux gigantesques, endémiques de Madagascar, de l’espèce des ratites ou «oiseaux coureurs». Pesant jusqu’à une demi-tonne et mesurant plus de 3 mètres de haut, ils étaient incapables de voler.
L’oeuf d’aepyornis, dont on peut encore trouver des spécimens à Madagascar, mesurait jusqu’à 1 mètre de circonférence pour une capacité de 9 litres.
Madagascar a interdit l’exportation d’œufs d’Aepyornis
On peut en voir au Musée d’Orléans, au Museum de La Rochelle, au Musée de Toulouse ou à celui d’Angers ainsi qu’au Museum National d’Histoire Naturelle du Jardin des Plantes à Paris. Le Museum de Paris expose également un squelette d’Aepyornis, de même que le Musée du Parc de Tsimbazaza à Antananarivo.
Il est encore possible de nos jours de se procurer un oeuf d’Aepyornis, bien que Madagascar en ait interdit l’exportation.
Le chroniqueur belge Pierre Maury fait ainsi état d’une transaction réalisée en 2009 à la Foire des Antiquaires de Chelsea, en Angleterre, où un oeuf d’Aepyornis s’est vendu 5.000 livres, soit environ 6.000 euros, ou encore 1.400.000 ariary, soit 7 millions d’anciens francs malgaches2.
Œuf d’Aepyornis : mise à prix 35.000 euros
En 2011, un oeuf d’Aepyornis a été mis en vente dans la salle du Crédit Municipal de Toulouse au prix de 25.000 euros3. Le 15 janvier 2014, un oeuf d’Aepyornis a été mis aux enchères à la Salle des Ventes Leclere, à Marseille. Mise à prix : 35.000 euros4.
La légende de l’oiseau-éléphant n’a pas manqué d’inspirer un romancier tel que H. G. Wells, l’auteur de «La guerre des mondes», «L’homme invisible», «La machine à explorer le temps» et «L’île du Docteur Moreau».
H. G. Wells publia, dans l’édition de Noël 1894 du Pall Mall Budget, une nouvelle intitulée «L’île de l’Aepyornis» : un chasseur d’oeufs fossiles d’Aepyornis se retrouve perdu comme Robinson Crusoë avec son butin sur un îlot au large de Madagascar.
Fin tragique d’un animal extraordinaire
Il assiste alors ébahi à l’éclosion d’un des oeufs. L’animal, baptisé Vendredi, grandit, mais au bout de deux ans, il est devenu tellement puissant, et vorace, qu’il finit par s’en prendre directement au chasseur lui-même.
Celui-ci devra malheureusement tuer l’oiseau-éléphant, devenu son ennemi. Fin tragique d’un animal extraordinaire, symbolisant l’extinction de l’espèce.
Des Aepyornis jusqu’à la fin du 19ème siècle
En effet, comme le dodo de Maurice, le solitaire de Rodrigues ou l’ibis de La Réunion, l’oiseau-éléphant de Madagascar a disparu de la surface de la Grande Ile. Trois principales hypothèses ont été avancées.
- Les oeufs d’aepyornis constituaient une nourriture providentielle pour les populations de l’époque, ainsi d’ailleurs que pour les rats et les chiens.
- Les zoonoses [peste, rage, tuberculose…] transmises par les volailles ont eu raison de lui.
- Il n’aura pas survécu à une période de sécheresse intense, au début de l’holocène 5.
L’Aepyornis s’est probablement éteint dans le courant du 16ème siècle, mais selon les témoignages cités ci-dessous quelques rares spécimens auraient survécu jusque vers la fin du 19ème siècle.
Jean-Claude Legros
Ils ont vu l’oiseau Rokh !
Un grand oiseau qui hante les Ampatres
Ni un oiseau qui vole, ni un oiseau qui grimpe
Témoignage du révérend père Angelvin, dans la région de Tuléar [1931] : «Trois frères habitaient une case dans la forêt. Deux sortent. Un reste pour garder la case. Il entend un grand bruit de branches cassées et des cris d’oiseaux. Il regarde par une fente de la case et voit un énorme oiseau, qui n’est ni un oiseau qui vole, ni un oiseau qui grimpe. Il est si lourd que, quand il se couche sur le sol, celui-ci résonne. L’homme étant sorti de la case reçoit un coup de pied dans le ventre et l’oiseau essaie de lui saisir la tête avec son bec».
Vingt-quatre hommes pour porter l’oiseau géant
Témoignage de M. de Chazotte, colon français de la région de Tuléar, recueilli en 1924 par M. Humbert, botaniste à la Faculté des Sciences d’Alger : «Une femme indigène, nommée Zavast, prétendait que vers 1890 un oiseau géant aurait été tué par les gens de Tompomana, roi des Masikoros, près de Manombo (au nord de Tuléar) dans un marais de l’intérieur, à la suite d’un cyclone terrible. Il aurait fallu vingt-quatre hommes pour le porter».
Madagascar déjà habitée il y a plus de 10.000 ans
Une récente étude a démontré, grâce à l’analyse d’os d’Aepyornis, que la présence humaine à Madagascar remonterait à 6.000 ans plus tôt par rapport aux estimations réalisées jusqu’à présent. L’occupation humaine de la Grande Ile remonterait donc à plus de 10.000 ans.
Une équipe de la Société zoologique de Londres a étudié des os extraits d’une rivière du centre-sud de Madagascar, rivière qui recèle de nombreux fossiles dont des restes d’oiseaux-éléphants datés de 10.500 ans. Ces os portent des traces de coups faits par des outils en pierre lors d’activités de découpe de la viande. Ils prouvent donc que l’île a été peuplés presque 6.000 plus tôt que ce qui était avancé jusqu’à présent.
Qui étaient ces hommes ? «Nous ne connaissons pas l’origine de ces personnes et nous ne le saurons pas tant que nous n’aurons pas trouvé d’autres preuves archéologiques, mais nous savons qu’il n’existe aucune trace de leurs gènes dans les populations modernes», précise un communiqué de Patricia Wright de l’université de Stony Brook.
Pour en savoir plus : Early Holocene human presence in Madagascar evidenced by exploitation of avian megafauna
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