Lèr i ariv pou manzé. Dosi la tab drésé, nana pou régalé. Lo vant i réklam.…
Martin Luther King : Mi rêve in jour chemin malizé sera lisse sous note pied
«I have a dream / Moin na in rêve». Voici le discours de Martin Luther king traduit — pour la première fois — en créole réunionnais par Jean-Claude Legros. Le 28 août 1963, devant le Lincoln Memorial à Washington, plus de 250.000 manifestants sont assemblés pour écouter ce plaidoyer pour l’égalité des droits civiques entre Blancs et Afro-Américains. Ce discours contribue à changer le monde. Prix Nobel de la Paix en 1964, Martin Luther King est assassiné le 4 avril 1968 à Memphis. «Nous sé de soldat-la-lutte-militant / Nous la pas là pou resse misère dann ravine la souffrance / Mi dit azot, zordi, terlà, moin na in rêve».
In bardzour-la-joie pou nous sorte dann fénoir
Moin lé content nous lé ensanm zordi, pou la plus grann manifestation dans l’histoire noute nation.
Na cent-an de sa, in grand l’américain la signe l’abolition l’esclavage. Zordi li lé là ec nous. Le décret l’abolition la dresse deboute comme in grand phare pou donne l’espoir bann zesclave té marqué ec fer rouge l’injustice. Le décret l’arrivé comme in bardzour-la-joie pou nous sorte dann fénoir.
Seulement, cent-an après-là, le noir lé pas libe pou vraiment.
Cent-an après-là, le noir lé encore amarré sanm menotte la ségrégation, sanm la chaîne discrimination.
Cent-an après-là, le noir i vive toujours dans son coin, su son l’ilet la misère, perdu dans l’océan la richesse, la richesse l’Amérique.
Cent-an après-là, le noir st’in l’exilé dans son pays.
L’heure l’arrivé pou nous prend le chemin galizé
A-cause sa-même zordi nous la ni là pou dénoncé la honte. D’inn certaine manière, nous la ni là pou encaisse in chèque. Quand bann fondateur la République la écrit la constitution, zot la signe in chèque pou toute zaméricain. Le chèque té inn promesse : toute zaméricain, le noir comme le blanc, navé la garantie de vive, vive libe, vive heureux.
Zordi ni oit l’Amérique la pas tienbo son promesse : l’Amérique la donne le noir in chèque en bois. La banque l’artourne le chèque, té marqué dessus : «Na point l’argent su le compte». Pourtant moin lé sûr nana l’argent dann grand jarlor noute pays. Alors, zordi, nous la ni encaisse note chèque, le chèque la liberté, le chèque la justice.
L’heure l’arrivé pou la démocratie, l’heure l’arrivé pou nous sorte dann fénoir la ségrégation, l’heure l’arrivé pou nous prend le chemin galizé dann grand soleil, l’heure la justice l’arrivé pou le noir comme pou le blanc. L’heure l’arrivé pou sorte noute nation dann ravine l’injustice, pou mette ali en-l’air rempart. L’heure la justice l’arrivé pou toute zenfant Bon-Dieu. Bann noir en colère i étouffe dans la chaleur va respire enfin l’air frais la liberté ec l’égalité.
Boire l’amertume dann calebasse la haine
1963, sa la pas inn date pou dire nous la fine arrive au boute : 1963 st’in premier début. Sak té i croit le noir lavé seulement besoin fait l’intéressant, sak té i croit son vente té plein, sera dur pou zot réveillé si zot i continue comme-sa.
Nora point de repos, nora point de tranquillité en Amérique tant que le noir sera pas traité comme in vrai citoyen. Coup-de-vent la révolte va fait tranm le fondation noute nation, jusqu’à-temps la justice va éclaire comme soleil.
Mais na inn affaire moin na pou dit le peupe noir i deboute su le pas-de-porte la justice : pou nous gaingne note place dans la société, ni doit pas fait n’importe-kosa, ni doit pas cassé-brisé, ni doit respecte la loi.
Nous la pas là pou boire l’amertume dann calebasse la haine. Nous doit fait note chemin dans la dignité, dans la discipline. Nous lé là pou revendiqué, pas pou bataille. Respire le grand air en-l’air rempart pou que l’âme ec le corps i gaingne la force.
Nous sé de soldat-la-lutte-militant
Nous sé de soldat-la-lutte-militant mais la pas inn raison pou nous méfié toute bann blanc. Zordi na in bon peu de blanc lé côté de nous, zot lé là, zot la compris zot destin lé amarré ec noute destin. Dans note mouvement pou fait chaviré bann muraille l’injustice, nana le blanc comme le noir. Le noir i peut pas marché li tout seul su le chemin la justice.
Na in peu de monn i demann anous : «Quand-sa zot sera content ?». Ni réponn : nous sera jamais content tant que nous va gaingne le coup ec la police, tant que ni gaingnera pas repose in coup dans in motel su le bord de chemin, dans in l’hôtel en ville.
Nous sera jamais content tant que le noir nora seulement le droit quitte inn ti ghetto pou allé dans in grand ghetto. Nous sera jamais content tant que note zenfant va bute su in panneau «Réservé pou le blanc». Nous sera jamais content tant que dann Mississippi in noir nora point le droit de voté.
Mi connaît in bon peu rente zot la ni terlà à-cause zot té gaingne pu supporté la misère ec la souffrance. Na in peu i vient de sorte la geôle. D’ote encore la connu l’orage ec coup-de-vent : persécution, brutalité la police. Perde pas l’espoir : zot souffrance sera zot rédemption.
Mi dit azot, zordi, terlà, moin na in rêve
Artourne dann Mississippi, artourne dans l’Alabama, artourne dann Caroline-du-Sud, artourne en Géorgie, artourne en Louisiane, artourne dann ghetto le nord : la vie va changé, nous la pas là pou resse misère dann ravine la souffrance.
Mi dit azot, zordi, terlà, moin na in rêve : in rêve dans l’Amérique. Mi rêve in jour note pays va levé, note pays va vive son credo : Bon-Dieu la fait toute de monn égaux.
Mi rêve in jour dann colline Géorgie, zenfant zesclave ec zenfant le maîte va ni à-bout assise ensanm autour la tabe fraternité.
Mi rêve in jour, même l’état de Mississippi, in l’état où sak l’injustice ec l’oppression i flanm chaque-instant, mi rêve in jour même l’état de Mississippi sera in l’oasis justice ec liberté.
Mi rêve in jour mon quate ti marmaille va vive dans inn nation où sak i jugera pas zot selon la couleur zot peau, mais selon la force zot caractère. Mi fait in rêve !
Tire in galet l’espoir dann montagne la misère
Mi rêve in jour, même dann l’Alabama, in l’état plein de monn racisse, où sak le gouverneur i répète chaque instant «opposition la loi fédérale», «annulation la loi fédérale», mi rêve in jour, même dann l’Alabama, ti garçon noir ec ti fille blanc va donne la main comme frère-et-soeur. Mi fait in rêve.
Mi rêve in jour la ravine sera plate, piton ec montagne sera la plaine, rempart va dégréné, chemin malizé sera lisse sous note pied, la gloire Note Seigneur va éclaire toute de moune.
Sa-même mon l’espoir, sa-même ma foi pou artourne dann Sud.
Ec la foi, nous va gaingne tire in galet l’espoir dann montagne la misère. Ec la foi, toute bann ralé-poussé sera inn symphonie la fraternité.
Ec la foi, nous va gaingne travaille ensanm, nous va gaingne prié ensanm, nous va gaingne lutté ensanm, nous va rente la geôle ensanm, nous va combatte pou la liberté ensanm, nous lé sûr in jour nous sera libe. In jour toute zenfant Bon-Dieu va chanté ensanm : «Mon pays, terre la liberté, mi chante pou ou : la terre où sak lé mort noute zancête, la terre bann fier pèlerin, dann toute rempart la cloche la liberté va sonné. Alors sera vrai que l’Amérique st’inn grann nation».
Su chaque colline dann Mississippi !
Sonne la cloche la liberté dann colline New Hampshire !
Sonne la cloche la liberté dann colline l’état de New-York !
Sonne la cloche la liberté dann montagne Alleghany en Pennsylvanie !
Sonne la cloche la liberté en-l’air Montagne Rocheuse dann Colorado !
Sonne la cloche la liberté dann colline Californie !
Mais la point assez, mette encore !
Sonne la cloche la liberté en-l’air le Mont Stone en Géorgie !
Sonne la cloche la liberté en-l’air le Mont Lookout dann Tennessee !
Sonne la cloche la liberté su chaque piton, su chaque colline dann Mississippi !
Quand la cloche la liberté va sonné dann village, dann quartier, dans la ville, partout en Amérique, alors na fête le jour où sak toute zenfant Bon-Dieu, le noir comme le blanc, juif, protestant, catholique, toute zenfant Bon-Dieu va donne la main, zot va chanté la vieille chanson l’évangile :
Enfin nous lé libe, enfin nous lé libe !
Grace Bon-Dieu tout-puissant
Enfin nous lé libe !
Martin Luther King
Adaptation en créole réunionnais : Jean-Claude Legros
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