La danse de résistance des esclaves marrons est au cœur du «Festival national son de negro»…
1949 : un «maloya» aux déhanchements afro-cubains
Indémodable ! Filmée en 1949, cette scène de danse afro-cubaine [vidéo à la fin de l’article] a des points communs avec le maloya — et le séga ! — de La Réunion. Quant à la chanson, «Que Viva Shango», interprétée par le couple culte Celina et Reutilio, elle n’a pas pris une ride malgré les sept décennies qui se sont écoulées. Musique, danse… Vidéo !
Rythmes cubains et influences du peuple yoruba
L’esclavage ! Dans la Caraïbe, dans l’océan Indien, en Amérique du Sud… Partout où la traite négrière a sévi, des Africains déracinés et réduits à la servitude ont perpétué certaines de leurs traditions : croyances, rituels, danses, musiques, chants, etc.
Ainsi rythmes et chants cubains sont-ils fortement influencés par les pratiques originelles du peuple yoruba — groupe ethnique d’Afrique, surtout présent au Nigeria — fondées sur le culte des Orishas.
À Cuba, les esclaves priaient les saints des maîtres espagnols mais ils y associaient leurs divinités africaines, dans un syncrétisme des deux cultes. «Lorsqu’ils priaient l’image de Sainte-Barbe, ils honoraient en réalité Shango, apprend-on dans le documentaire «Les racines africaines de la salsa cubaine» [Arte] d’Alexander C. Stenzel. Au fil du temps, la musique sacrée afro-cubaine s’est transformée en musique de danse et s’est élargie aux salles de bal».
Shango, divinité africaine
Afin de cacher leurs rituels ancestraux africains à leurs maîtres espagnols, les esclaves masquaient donc leurs croyances sous les apparences de la foi catholique : «chacun des principaux Orishas a ainsi été identifié à un Saint, comme par exemple Shango à Santa Barbara», qui sont désormais tous les deux fêtés le 4 décembre.
«Que Viva Shango» !
Qui est donc Shango [Changó, Sàngó, Xangô] ? Shango est un Orisha [divinité africaine], protecteur de la musique, du tambour et de la danse, entité divine dont les attributs invoquent le tonnerre, Dieu du feu et de la guerre.
«Que Viva Shango», véritable succès populaire
La vidéo qui accompagne cet article [voir ci-dessous], présente une chanson à la gloire de Shango. Composée en 1948 par Celina González et le guitariste Reutilio Domínguez, cette chanson — «Que Viva Shango» — connaît un véritable succès populaire dès sa sortie, succès qui défie le temps.
«Dans cette composition, Shango est, pour la première fois, honoré sur le rythme de la Guaracha1 et du Punto Cubano2», précise le site fiestacubana.
Les similitudes que l’on pourra constater entre cette danse — remarquez le sabre à cannes attaché à la ceinture du danseur — et le maloya de La Réunion s’expliquent par l’histoire de l’esclavage.
Océan Indien — Caraïbe : Afrique !
La source est unique : l’Afrique. D’ailleurs selon les récits d’époque, le séga originel de l’océan Indien — qui s’appellera par la suite maloya à La Réunion —, chant-musique-danse des esclaves, était considéré comme «très proche du fandango» pratiqué au 17ème siècle en Espagne, au Pays Basque et au Portugal.
Or le «fandango» est une danse «introduite en Europe par les Espagnols qui revenaient des Indes occidentales après avoir fréquenté les Noirs déportés de Guinée»3.
Les Portugais dans l’océan Indien [puissance colonisatrice du Mozambique pendant plusieurs siècles…], les Espagnols dans la Caraïbe ont ainsi été influencés par — et ont influencé — les pratiques ancestrales que les esclaves d’Afrique perpétuaient, et particulièrement le triptyque chant-musique-danse.
Voilà pourquoi cette danse — cette «manière-là» — a des airs de parenté avec le maloya de La Réunion.
7 Lames la Mer
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