Un des personnages les plus emblématiques du maloya traditionnel serait une... Indienne. À La Réunion, tout…
Maloya : kisa i koné zistoir «Dodo Siya ?»
Bin, sans qui paraît, maloya Firmin Viry i raconte anous inn légende. Inn légende i sorte en Inde, i appelle «Ramayana». Ramayana, sa zistoire le prince Rama. Li appelle aussi Ramel, ou encore Romé. A cause sa-même dann maloya i dit comme sa : «O Siya content Romé». Sa i veut pas dire Siya i aime boire le rhum. Non, sa i veut dire Siya i aime Rama…
La case la pas moin mi dodo pas
Zot i connaît maloya Firmin Viry, «Café grillé». I dit comme sa :
Dodo dodo Siya
La case la pas moin mi dodo pas
O Siya donne ma guetté
O Siya zindienne joli1
O Siya content romé
Bin, sans qui paraît, maloya Firmin Viry i raconte anous inn légende. Inn légende i sorte en Inde, i appelle «Ramayana». Ramayana, sa zistoire le prince Rama. Li appelle aussi Ramel, ou encore Romé. A cause sa-même dann maloya i dit comme sa : «O Siya content Romé». Sa i veut pas dire Siya i aime boire le rhum. Non, sa i veut dire Siya i aime Rama.
Acoute le zistoire Sita (Siya) ec Rama…
Siya i appelle aussi Sita. Sita té la fille le roi Janaka. Sita ec Rama la marié. Zot té deux moune heureux. Asteure, à-cause dann maloya i dit comme sa : «Dodo dodo Siya, la case la pas moin mi dodo pas» ? Acoute le zistoire Sita ec Rama.
Navé inn fois, là-bas en Inde, dann royaume Ayodhya, in vieux roi té i appelle Dasaratha. Li té fine arrive vieux. Normalement té son garçon Rama n’aurait dû prann la succession. Mais Dasaratha navé inn ote garçon, té i appelle Bharata, in zenfant li lavé gagné ec inn ote femme. Et li lavé promette le manman :
— Bharata, sera ote zenfant va monte su le trône.
— Promette, c’est dette.
Mi veut pas resse moin tout seul terlà
Dasaratha la tient-beau son parole. Le vieux roi té obligé donne son trône Bharata. Et Rama té exilé pendant quatorze an. Rama té i respec son papa. Li la obéi. Li la décide allé dans inn région té i appelle Deccan. Son coeur té i serre, mais li té veut pas emmène sa femme Sita ec li :
— Lé trop dangereux, la dit Rama.
— Mi veut pas resse moin tout seul terlà, la dit Sita, emmène amoin ec ou. Moin la pas peur, ou sera côté de moin pou protège amoin. Rama, si i fallait mi vive tout seul dann ciel, sans ou, bin mi voudrait pas vive dann ciel.
Alors Rama té d’accord pou emmène Sita ec li. Et li navé inn ote frère, Lakshmana, la ni li aussi. Le vieux roi Dasaratha la pas supporté zot départ : li lé mort jusse après-là.
Pas trop loin, navé inn femme-démon
Rama, Sita ec Lakshmana la marche pendant dix-an. Zot té i vive comme zanimaux : zot té i mange le fruit, zerbe, racine, zot té i boire de l’eau la rivière, zot té i dort à-terre dann zerbe. Zot té i bataille conte zépine, liane, raquette, té i barre chemin. Zot té bataille conte serpent ec bête féroce.
Zot té i bataille aussi conte bann Rakchasas, «démon la nuite». Inn bann monste té i prend toute qualité la forme : na-de-fois zot té de nain, d’ote coup zot té de géant, ec inn tête tigue, o-sinon inn tête serpent. Mais jamais zot la pas gaingne trape Rama, Sita ec Lakshmana.
Quand zot té fine marche pendant dix-an, Rama, Sita ec Lakshmana l’arrive inn place té i appelle Panchavati. Zot la cale là-même pou fait zot case. Pas trop loin, navé inn femme-démon, té i appelle Shurpanaka. Shurpanaka la change a-elle en servante pou séduit Rama, mais quand elle la vu elle té i gaingne pas, son jalousie la monté, elle la saute su Sita.
Son vente té blanc comme la neige volcan
Reusement Lakshmana té là. Ec son sabe, li la coupe le nez ec le zoreille Shurpanaka. Shurpanaka la parti oir Ravana, le roi bann Rakchasas. Ravana té i vive dann l’île Ceylan, coméla i dit Sri Lanka. Shurpanaka la esplique Ravana :
— Ravana, guette kosa Rama la fait ec moin. Si ou gaingne prann Sita pou fait ote femme, alors ou sera béni. Toute bann dieu va protège aou.
Ravana l’appelle Mareech, son magicien. Mareech la transforme ali en gazelle. Inn gazelle merveilleuse : son corne ec son sabot té plein de diamant, son vente té blanc comme la neige volcan, son poil té couleur l’arc-en-ciel. Sita la trouve le gazelle si-tant-tellement joli, elle la dit :
— Rama, gazelle-là lé trop joli ! Ou pourrait pas trape aelle pou moin ?
— Bouge pas, la dit Rama, m’allé trape aelle. Aspère amoin terre-là.
Mi peut pas rente dans ote rond à-terre
Pou protège Sita, Rama la prend in sabe, li la dessine in grand rond à-terre autour la case. Après-là, Rama la avance doucement côté le gazelle, mais quand li té sar trape aelle, le gazelle la chappé. Elle la cale inn ti peu plus loin. Rama la avance doucement, et jusse quand li té sar trape a-elle, le gazelle la couru. Elle la fait sa trois-quate fois, jusqu’à temps elle té fine rale Rama ec Lakshmana loin de la case.
Asteure Sita té tout seul. Alors na in vieux bonhomme la présenté, in pauve bougue misère, in pauve bougue lavé faim. Sita la trape deux-trois banane pou donne ali, mais i fallait pas elle i dessaute le rond autour de la case. Elle la dit :
— Vient aou, monsieur, ala deux-trois banane pou ou.
— Merci beaucoup, madame, la dit le gramoune, mais moin st’in «sanyasi», in sage, mi peut pas rente dans ote rond à-terre.
Comme soleil i fait sèque la boue
Alors Sita la saute le rond, pou donne le vieux bonhomme le deux-trois banane. Là-même Ravana la souque aelle, la fait monte aelle dans son char volant, l’amène aelle dann l’île Sri Lanka. Ravana la dit :
— Pas besoin ou la peur, Sita, mi aime aou pou vraiment. Mi veut marié sanm ou. Rama lé faye côté de moin : li na point la force, li na point la richesse, li na point le rang.
— Rama st’in prince, la dit Sita, li sé zenfant le roi Dasaratha. Moin sé la femme Rama, moin lé amarré sanm li, comme la lumière lé amarré sanm soleil. Ravana, misérabe ! Ou la trape amoin, mais Rama v’artrouve aou, et li va tué aou ec son flèche, comme soleil i fait sèque la boue.
Rama ec Lakshmana la pas gaingne trape la gazelle. Quand zot la rente zot case, Sita té pu là. La gazelle té in piège. Zot la commence rode Sita partout. Comme sa-même zot l’arrive dans in pays té i appelle Kislindha, té le royaume bann singe. Premier singe zot la vu, la raconte azot toute son malheur :
— Mi appelle Sougriva, la dit le singe, té moin-même le roi bann singe i vive dann pied-de-bois. Mon frère la chasse amoin et li la prend le trône pou li. Kosa zot i fait terre-là ?
Rama la réponn :
— Le démon Ravana la vole Sita, ma femme. Amoin ec mon frère, ni rode aelle partout.
— Bin, si zot i aide amoin arprend mon place su le trône, la dit Sougriva, ma aide azot artrouve Sita.
In grand pont pou saute la mer
Alors, la fait comme la dit. Rama ec son frère la aide Sougriva armonte su son trône, et Sougriva la envoye toute le bann singe rode Sita partout en Inde. Zot la rouve zot zyeux, zot la rouve zot zoreille, zot la faufile partout, dann chemin, dans la case de moune, dann caverne, dann bois. Mais zot la pas trouvé. Là-même Hanuman, le dieu-singe, la magine inn affaire :
— Nous la fouille partout, mais na inn place nous la oublié : l’île Sri-Lanka !
Rama la donne Hanuman son zanneau, pou que Sita i reconnaît kisa la envoye ali. Hanuman la transforme ali en chate, comme sa-même li ni à-bout arrive dann jardin Asoka, où-sa que Sita té prisonnière. Hanuman la donne aelle le zanneau de Rama et Sita la donne ali en échange in bijou pou ramène pou son mari.
Dès que zot la connu où-sa que Sita té prisonnière, Rama ec son camarade singe la construit in grand pont pou saute la mer, pou allé dann pays Sri-Lanka. Le château de Ravana té en-l’air dans la montagne. Li té entouré de muraille en or. Toute côté, navé de catapulte, té i envoye bel-bel galet su bann zattaquant. La guerre la dure longtemps, la tué in bon peu de monn. A la fin, Rama la ni à-bout tué Ravana, grâce Surya, le dieu-soleil.
Si son mari té i veut pu d’elle, Sita té i veut la mort
Quand Sita té libéré, Rama la dit :
— Désolé, Sita, mon coeur i saingne. Mais mi gaingne pas ramène aou la case. Ou la dort dans lit de monn, même si ou té veut pas, mais té pas mon lit. Adieu Sita.
Alors Sita la dit :
— Prépare in grand bûcher, allume ali.
Si son mari té i veut pu d’elle, Sita té i veut la mort. Sita la monte su le bûcher. Mais alala le flamme la écarté. Sita la pas brûlé, Sita lé pas mort. Agni, le dieu le feu, la prend la main de Sita, la amène aelle devant Rama :
— Rama, la dit Agni, ramène ote femme ote case. Elle la pas fait rien de mal. Elle la resse fidèle son mari.
Tant qu’elle té pas sa case, elle la pas dormi
Comme sa-même Rama ec Sita l’artourne dans zot pays, dann royaume Ayodhya. Rama la monte su le trône son papa. Rama ec Sita la vive heureux.
Zot i comprend asteure pou kosa, quand i dit dann maloya «Dodo dodo Siya», Siya i réponn : «La case la pas moin, mi dodo pas».
Sita la resse dix-an sans dormir. Tant qu’elle té pas sa case, elle la pas dormi : la case la pas moin, mi dodo pas !
Jean-Claude Legros
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