Une grand-mère paternelle au destin royal contrarié, morte exilée en Algérie. Un grand-père maternel esclave dans…
Le Boogaloo ? C’est New York, Spanish Harlem, la nuit…
1966, Spanish Harlem, New York. Une révolution se prépare… «Bang ! Bang !». Le Boogaloo est né ! Tambourin et claps de mains sur le 3ème temps. Cuivres, percussions, riffs de piano, basse hypnotique. La fièvre Boogaloo déferle sur la planète. Après cette vague euphorique et fulgurante, la salsa reprendra son envol. Mais pendant 3 ans [1966-1969], les «King of the Boogaloo» sont… les rois ! Hommage à ces musiciens de génie avec un mix spécial boogaloo concocté par DJ KonsöLe : «Ritmo Moderno !»
Vous voulez du Boogaloo ? Voilà du Boogaloo !
Le DJ ajuste son casque, pose un disque sur la platine et la magie du Boogaloo envahit la piste de danse.
Collectionneur fou de musiques éclectiques aux influences «jazz-world-electro», DJ KonsöLe écoute — et fait entendre — des rythmes afro-cubains depuis maintenant plus de 20 ans.
«Jai eu ma “période Boogaloo” dans les années 2000», confie-t-il. Une période où il bouffait Boogaloo, causait Boogaloo, buvait Boogaloo, dormait Boogaloo, rêvait Boogaloo. Bref, il boogalooait — verbe intransitif du 1er groupe — à longueur de temps.
Le Boogaloo, c’est New York, Spanish Harlem, la nuit…
Le Boogaloo serait-il, plus qu’un genre musical — certains parlent de «sous-genre» — une façon de vivre ? Une «way of life» inventée au fond du mythique chaudron de Harlem ?
L’arbre généalogique de la «latin music» est tellement touffu, avec tant de ramifications, que même les spécialistes et les puristes y perdent parfois leur… latin.
«C’est du “latin jazz” mais avec un rythme binaire», explique DJ KonsöLe. «C’est un style plus léger dans l’esprit que les autres courants du «latin jazz» : mambo, rumba, cha-cha-cha. Et moins saccadé que la salsa. Les musiciens s’interpellent et interpellent le public, tout en jouant. C’est un mélange de “rhythm and blues” et de musiques latines. Le Boogaloo a une identité urbaine très marquée avec son argot, ses codes, ses références. Le Boogaloo, c’est New York… Spanish Harlem… la nuit»…
Comme un pied-de-nez à la société violente et raciste
C’est dans les bars, les clubs et les rues du Spanish Harlem que le Boogaloo est concocté, au cœur des années 60, par des musiciens, souvent adolescents — teenagers.
Portoricains, Cubains, Afro-Américains, Philippins… Issus de l’immigration, ces jeunes inventent une musique, une danse, un style, comme un pied-de-nez à la société violente et raciste qu’ils affrontent au quotidien.
«Quelques Boogaloos étaient chantés en espagnol», analyse DJ KonsöLe. «Mais dans les musiques afro-cubaines, le Boogaloo marque une rupture car c’est l’un des rares styles chanté en anglais. C’est une des spécificités du genre : être chanté surtout en anglais».
Rumba, mambo, cha-cha-cha, pachanga… boogaloo !
L’héritage du mouvement «Harlem Renaissance» — pour sa dimension musicale principalement — se traduit là d’abord à travers l’esprit, puis dans l’ambiance et dans les rythmes.
Le relais s’est transmis d’une génération à l’autre par les méandres du «latin jazz» : rumba, mambo, cha-cha-cha, pachanga… boogaloo !
Mais après avoir brillé pendant trois ans, le Boogaloo s’effacera pour permettre l’émergence de la salsa et d’autres styles tel le «latin’funk».
La cartographie des rues de Harlem
L’historien Juan Flores [1943 – 2014] de l’université de New York met en lumière la fonction sociale du Boogaloo. Selon Flores, le Boogaloo est avant tout l’«incarnation de l’interaction sociale et culturelle» qui s’est exprimée à travers la cartographie des rues de Harlem : celles du secteur espagnol et celles du côté afro-américain.
Un frottement fécond qui contraste avec les histoires de gangs habituellement associées à ces quartiers et qui, le temps d’un boogaloo, transcende les terribles problèmes sociaux.
Des musiciens qui ont grandi dans l’effervescence et le sillage de l’«Harlem Renaissance» vont directement participer à l’explosion du Boogaloo en 1966, comme par exemple Henry «Pucho» Brown, né à Harlem en 1938, influencé par Duke Ellington, Count Basie…
Boogalooer, c’est prendre le contre-pied des anciens
Mais cet héritage fabuleux, le Boogaloo en est à la fois l’expression et l’antithèse… car avec le Boogaloo, les codes sont bousculés, les tendances sont bouleversées, les références sont renversées.
Boogalooer, c’est aussi prendre le contre-pied des anciens… avec tout le respect qui leur est du.
Le Boogaloo devient le langage commun et jubilatoire de ces jeunes musiciens, leur lieu de rencontre et de reconnaissance.
Pas de message politique clairement exprimé à travers les paroles du Boogaloo — ou très peu — mais une posture résolument jouissive et contagieuse. Une posture assumée qui constitue en elle-même une démarche de construction identitaire et d’émancipation.
Tous… “King of the Boogaloo” (ou presque)
«Le Boogaloo est un formidable phénomène générationnel, aussi intense qu’il est bref puisqu’il ne dure que trois ans», poursuit DJ KonsöLe. «C’est l’expression des jeunes musiciens, des “teen-agers”. D’ailleurs, au début, les anciens dénigraient le Boogaloo mais face à son succès populaire, “tout le monde” s’est mis à faire du Boogaloo et “tout le monde” — ou presque — se proclamait “King of the Boogaloo” sur les pochettes de disque».
D’autres styles émergent dans les sillons creusés par le Boogaloo : «Latin soul», «Shing-a-Ling», «African twist»…
Des labels s’emparent du phénomène : le plus célèbre, Fania1 rachète ses concurrents : Tico et Alegre.
Boogaloo, un des mouvements précurseurs du hip-hop
Mais revenons au point de départ… Au berceau : le Spanish Harlem.
Certains ont considéré le «Watermelon Man» d’Herbie Hancock, sorti en 1962, comme le «Boogaloo originel» mais l’étincelle qui «mettra le feu» au «Palm Gardens Ballrooom», une salle de danse pleine à craquer au cœur de Harlem, en 1966, c’est «Bang ! Bang !», de Joe Cuba, qui sera édité chez «Tico records».
«Bang ! Bang !» inaugure l’âge d’or du Boogaloo. «I Like It Like That» de Pete Rodriguez, chez «Alegre Records», lui emboîte le pas. «Chez José», légendaire club new yorkais, devient le lieu de ralliement de tous les mordus de Boogaloo.
«Au bout de trois ans, le style a commencé à s’essouffler», conclut DJ KonsöLe. «La vague s’est retirée. Et la Salsa est entrée dans la danse. Mais le Boogaloo aura marqué l’histoire de la musique, inspirant la vogue de l’“Electric Boogaloo” considéré comme un des mouvements précurseurs du hip-hop».
73 minutes de «Ritmo Moderno !» avec DJ KonsöLe
Quelques décennies plus tard, la vague Boogaloo serait-elle de retour ? C’est ce qu’affirment les spécialistes des musiques latines. Et cette nouvelle vague est portée par les DJ pour notre plus grand plaisir !
Alors, prêts pour le Boogaloo ? Prêts pour 73 minutes de «Ritmo Moderno !», soit 25 morceaux sélectionnés par DJ KonsöLe ?
«J’ai choisi ces morceaux de Boogaloo parmi ceux que je préfère», précise DJ KonsöLe. «Mon style de prédilection, c’est le “latin soul”, plus jazz et mélancolique que le “shing-a-ling”, le Boogaloo festif. Un groove irrésistible».
Boogalooez !
Nathalie Valentine Legros
Merci à DJ KonsöLe pour sa précieuse contribution
Le mix de DJ KonsöLe, avec «La Basse Tropicale»
«We Like It Like That», de Mathew Ramirez Warren
La bande annonce !
We Like It Like That – Official Trailer from Mathew Ramirez Warren on Vimeo.
Boogaloo, ça vient d’où ?
Le terme «Boogaloo» a probablement été inventé en 1966 par Richie Ray et Bobby Cruz (Source : newworldencyclopedia.org). • Le terme «Boogaloo» est apparu en 1966 dans les titres des chansons et des albums de musiciens Nuyoricans tels que Ritchie Ray et Joe Cuba ; peut-être inspiré par le duo «Tom & Jerrio» qui chante «Boo-Ga-Loo» en 1965 (Source : mericansabor.org). • Origine de «Boogaloo» : peut-être de «boogie» (Source : merriam-webster.com)…
Vous avez dit Boogaloo ?
- «Cha-cha-cha avec contretemps», selon Henry «Pucho» Brown.
- «Objet musical et culturel hybride (…) [avec] des percussions latines qui jouent des rythmes afro-caribéens, des constructions et des accords venus de la soul, du R’n’B, du doo-wop (eux-mêmes dérivés du gospel et du blues) ; des paroles en anglais, souvent drôles, et une ambiance festive créée par les interjections du public et des musiciens», explique Jonathan Goldman, professeur agrégé au «New York Institute of Technology», directeur musical du groupe «Spanglish Fly».
- «Savant mélange de soul, “rhythm and blues” et rythmes afro-cubains, désigné souvent sous le nom de “latin soul” et de “shing-a-ling”», écrit le site musicmot.
Boogalooeurs… Des noms !
Les artistes du Boogaloo vivaient à New York : Spanish Harlem, Bronx, Brooklyn. El barrio ! Originaires pour la majorité d’entre eux de Porto Rico, ils étaient désignés sous le nom de : «Nuyorican». Revue non exhaustive de ces Boogalooeurs de génie.
- Harvey Averne, né en 1936, à Brooklyn [New York], d’un père russe et d’une mère polonaise.
- Ray Barretto, né le 29 avril 1929 à Brooklyn. Mort le 17 février 2006.
- Joe Bataan, né en 1942 dans le quartier [«el barrio», en espagnol] de «Spanish Harlem» [New York], compose «Gypsy Woman» en 1967.
- Henry «Pucho» Brown, né le 1er novembre 1938, à Harlem, de parents afro-américains.
- Joe Cuba, de son vrai nom Gilberto Miguel Calderon, originaire de Porto Rico ; Joe Cuba a grandi dans le «Spanish Harlem», né le 22 avril 1931. En 1966, il écrit avec Jimmy Sabater «Bang ! Bang !», considéré comme le premier tube de Boogaloo, sorti sur l’album «Wanted Dead or Alive». Cet album sera vendu à plus d’un million d’exemplaires en 1966.
- «Hi-Latins», groupe formé par Gil Suárez, né à New York, de parents portoricains.
- Johnny Colón, né dans le «Spanish Harlem» de parents portoricains.
- Larry Harlow, de son vrai nom Lawrence Ira Kahn, né le 20 mars 1939, à Brooklyn, de parents américains.
- «LeBrón Brothers», famille de musiciens nés à Porto Rico et installés à New York [Pablo, Jose, Angel, Carlos, Frankie].
- Bobby Marin, né le 22 décembre 1951.
- «King Nando», de son vrai nom Fernando Rivera, né à Porto Rico [1946 – 2008], compositeur de «Fortuna» en 1967.
- Eddie Palmieri, né le 15 décembre 1936, dans le sud du Bronx [New York], de parents portoricains.
- Joey Pastrana, né le 22 Août 1942, à Santurce, Puerto Rico. Décédé en 2014.
- Ricardo Ray, de son vrai nom Ricardo Maldonado, né le 15 février 1945, à Brooklyn, de parents portoricains.
- Pete Rodriguez, né à Porto Rico en 1932. Décédé en 2000. Il écrit en 1966 les paroles d’un des Boogaloos les plus célèbres : «I Like It Like That».
- Willie Rosario, né le 6 mai 1930 à Porto Rico.
- Pete Terrace, de son vrai nom Pedro Gutierrez, alias Peter Gutierrez, né le 6 février 1927 à New York, de parents portoricains.
- «Latin Soul Brothers», Bobby Quesada, «Latin Boys», Bobby Valentin, «Lat-Teens», «The Latinaires», etc.
Orientations bibliographiques…
«From Bomba to Hip-hop: Puerto Rican Culture and Latino Identity», par Juan Flores • Collections privées • latinboogaloo.com • Archives privées • The Guardian • newworldencyclopedia.org • salsacrazy.com • theparisreview.org • mundolatino.blog • musicmot.com • allmusic.com • americansabor.org • etc.
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Journaliste, Écrivain, Co-fondatrice - 7 Lames la Mer.