Joseph Tafiki, l’œuvre de sa vie pour Saint-Expédit (4)

«Serviteur des pauvres», pêcheur, vendeur de pistaches, planteur, père de 14 enfants… La vie de Joseph Tafiki a été bien remplie mais c’est dans un autre registre qu’il trouvera la postérité. Dans le Sud sauvage, au lieu-dit Mare Longue, Joseph Tafiki a édifié une chapelle. Rouge et bleue. Dédiée à Saint-Expédit, il ne s’agit pas d’une petite guérite au bord du chemin, mais bien d’une véritable chapelle constituée de trois constructions. L’œuvre de sa vie !

Vue d'ensemble du site.
Vue d’ensemble du site.

A la hauteur du lieu-dit Mare Longue…


Si vous circulez sur la nationale 2 entre Saint-Joseph et Saint-Philippe, à la hauteur du lieu-dit Mare Longue, vous apercevrez sur votre gauche, côté montagne, une chapelle rouge et bleue, surplombant la route et à moitié cachée par la végétation.

Cette chapelle dédiée à Saint-Expédit est l’œuvre de Joseph Tafiki.

Mais qui était Joseph Tafiki ? Voici son histoire. L’histoire d’un homme qui a connu la misère, planteur, pêcheur à l’occasion et que l’on appelait «le serviteur des pauvres».

Joseph Tafiki est né au début du siècle dernier, en 1905. A l’âge de 25 ans, il s’installe dans la commune de Saint-Philippe. Il commence par louer ses services à la journée, puis ayant fait l’acquisition d’une propriété de 38.500 gaulettes1, il se lance dans la culture du maïs et de la vanille.

Lorsque vers le milieu du siècle la vanille de La Réunion subit le contrecoup de la concurrence extérieure, Joseph Tafiki se reconvertit dans la culture de la canne à sucre. Mais il doit également abandonner le maïs, dont les plants sont attaqués par l’amarante, l’herbe aux fleurs roses2. Joseph Tafiki s’intéresse en même temps à la culture du géranium.

La chapelle de Saint-Expédit construite par le ‘serviteur des pauvres’. En médaillon, Joseph Tafiki.

Il offrait des pistaches aux marmailles


C’était le temps de la misère : Joseph charroyait dans des bacs l’eau des ravines du Baril et de Basse Vallée, pour les stocker. Il avait aussi un puits mais l’eau en était soumak3.

Depuis l’agglomération de Saint-Philippe jusqu’au rempart du Tremblet, Joseph Tafiki était connu comme marchand de pistaches4. Il en distribuait gratuitement aux marmailles5 de la commune. Pêcheur à l’occasion, il vendait son poisson aux gens venus de Saint-Denis.

Joseph Tafiki était membre de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul6. On l’appelait «le serviteur des pauvres». Il était père de quatorze enfants et d’un nombre incalculable de petits-enfants et d’arrière-petits-enfants. Il est décédé le 21 février 2002, à l’âge de 97 ans.

L’intérieur de la chapelle.
L’intérieur de la chapelle.

À l’origine, une niche entourée de verdure


Joseph Tafiki aura légué à la postérité l’œuvre de sa vie, la chapelle Saint-Expédit de Saint-Philippe, qu’il a construite en 1933 et qui n’était à l’origine qu’une niche entourée de verdure.

C’est aujourd’hui un ensemble de trois petites constructions, dont la principale est la chapelle proprement dite et dont une est utilisée comme «réserve».

Elles sont toutes dédiées au légionnaire arménien, commandant en chef de la XIIème légion romaine, martyr pour avoir refusé d’abjurer sa foi. On voit rarement autant de représentations du saint, que ce soit sous forme de tableaux ou de statues, rassemblées en un seul et même endroit.

Le panneau annonçant le site du 'souffleur d’Arbonne' et la chapelle Saint-Expédit.
Le panneau annonçant le site du ‘souffleur d’Arbonne’ et la chapelle Saint-Expédit.

Innombrables ex-voto


Pour Joseph Tafiki, il ne faisait aucun doute que Saint-Expédit accordait ses grâces aux fidèles qui venaient le solliciter dans leurs prières.

Le site fait d’ailleurs l’objet d’une dévotion constante, comme en témoignent les innombrables ex-voto répandus tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la chapelle.

La chapelle recèle en outre un sous-verre où figurent la photographie et une biographie succincte de son créateur, Joseph Tafiki.

Reportage (texte et photos) : Jean-Claude Legros

La ‘réserve’.

À lire aussi :


  1. Une centaine d’hectares (la gaulette vaut 25 m2)
  2. On dit aussi le «brède malbar».
  3. Saumâtre.
  4. Cacahuètes.
  5. Les enfants.
  6. Organisation de bienfaisance laïque, d’obédience catholique, fondée en 1833.