Oui, le Créole aime manger et causer ! En toutes circonstances. Deux passions qui empruntent le…
I joué pas dann canne !
Du temps que j’étais écolier, comme disait Alfred1, je jouais aux cartes pendant les vacances. C’était à l’Etang-Salé-les-Hauts, entre ravine et butte de sable [butte qui entre-temps a été comblée, arasée, bitumée, bétonnée] : on jouait à la fouille, à la menterie, n’importe où, dans la case, ou dehors assis sur un galet, sur le sable ou dans les cannes.
Le sous-entendu était clair…
A force de jouer en extérieur, sans le confort d’une table et de bancs, on prend l’habitude de distribuer les cartes de la main à la main…
Plus tard, je me suis remis aux cartes : belote, belote bridgée, tout-at’/sans-at’, poker. On y jouait autour d’une table, confortablement assis dans des fauteuils. Alors je me suis rendu compte que j’avais gardé l’habitude de distribuer les cartes de la main à la main, au point de me voir opposer une péremptoire fin de non-recevoir : «i joué pas dann canne !».
Le sous-entendu était clair : «i joué pas dann canne comme bann yabe dans les hauts». Les cartes, ça se dépose sur la table devant le joueur, afin d’éviter toute manipulation malencontreuse.
De la main à la main
Je repense à cette injonction à chaque fois que je passe à la caisse d’une grande, moyenne ou petite surface, boulangerie, station-service ou camion-bar, j’en passe et des meilleurs !
Si vous réglez par carte bancaire, la question ne se pose pas, mais si vous réglez en espèces, attendez-vous à ce que l’hôtesse de caisse vous refile confidentiellement, de la main à la main, un bouchon informe de billets de banque et de pièces de monnaie. Impossible en l’occurrence de vérifier le montant de votre monnaie, il faut faire confiance ! Impossible de vérifier si des pièces de 10 bath ont pu se faufiler dans le tas [en lieu et place de pièces de 2 euros], les gens attendent derrière !
Mais on persistera à jouer dans les cannes !
Et pourtant nombre de commerces sont équipés, au niveau de la caisse, d’un petit plateau métallique destiné à recevoir les espèces papier ou métal du client comme du commerçant. Mais pratiquement personne ne s’en sert. De ce point de vue, le client est lui aussi quelque peu désinvolte : combien j’en vois jeter négligemment sur le tapis roulant un billet entortillé, froissé ou plié en huit ! La caissière est bien gentille de s’appliquer à déplier ou à défroisser le billet [des fois qu’il serait faux, taché ou déchiré] alors qu’elle serait en droit de demander au chaland de le faire lui-même.
Il y a pourtant une technique pour rendre la monnaie de façon simple et facile. Pas de soustraction complexe à effectuer : si par exemple un client paye avec un billet de 50 euros des achats se montant à 38 euros, la caissière n’a aucun calcul à faire ; il lui suffit de compléter au fur et à mesure la somme de 38 euros pour atteindre les 50 euros remis : 38 euros plus 2 euros égalent 40 [elle dépose deux pièces d’un euro], plus 10 euros qui font 50 [elle dépose un billet de 10 euros]. Et voilà, c’est simple et sans bavure : le client peut ainsi vérifier sans effort le montant de la monnaie qu’on lui remet ainsi que son authenticité.
Mais je ne me fais pas d’illusions : on persistera à jouer dans les cannes !
Marcel Picard
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