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Edito
Perspective de disparition d’emplois dans une entreprise en bonne santé, fin annoncée d’une production industrielle locale…
La fin d’activité brutalement annoncée à la SIB devrait interpeller le Ministère du redressement productif, jusqu’ici fort peu impliqué dans les Outre-mer. « À 15 heures trente hier, certains salariés n’avaient pas encore appris la nouvelle », rapporte un témoin oculaire présent hier sur le site de l’usine portoise. La « nouvelle », c’est l’annonce, abrupte, par la direction, de la fermeture de l’entreprise, prévue pour mars prochain, qui a frappé de stupeur les 32 salariés de la Société industrielle de Bourbon, filiale du géant américain Colgate-Palmolive. Un établissement réunionnais dédié à la fabrication de produits ménagers et d’adoucissants commercialisés sous ces labels, remarquable aussi pour ses performances. « Depuis trois ans, les dividendes versés sont en hausse, le comptable nous a même dit de demander une prime » rapporte Thierry Lauret (Le Quotidien), citant un responsable syndical de l’entreprise.
Cette bonne santé avait, il y a trois ans, porté les salariés à exiger leur part de la richesse croissante de l’entreprise. Pari gagnant : après deux semaines de grève, ils obtenaient 2,5% d’augmentation, l’intégration de la prime COSPAR, ainsi que trois primes cumulatives, dont une prime d’intéressement de 470€ et 50€ de participation recalculée aux bénéfices.
Les salariés paient-ils aujourd’hui le prix de cette mobilisation ? L’entreprise invoque à l’appui de sa décision des motifs assez flous et surtout non chiffrés. Dans un communiqué produit hier, la direction mentionne ainsi la « surcapacité structurelle » de l’appareil de production, qui n’utiliserait « depuis longtemps » qu’un dixième de son potentiel. SIB s’engage à fournir des produits d’entretien « fabriqués en France », le temps d’une « transition » de « six mois » pour laquelle elle affirme avoir « d’ores et déjà engagé des actions (sic) pour trouver d’autres entreprises susceptibles d’assurer une continuité de l’emploi dans les locaux de l’usine ».
Fondée par Abdelali Goulamali, dédiée à la fabrication de cires pour sol, SIB quitte en 1998 la banlieue de Saint-Denis (la Jamaïque) pour s’installer dans la ZI n°1 du Port. Classée SEVESO, elle produit détergents, eau de javel et liquides vaisselle, dont une part conséquente est destinée au marché mauricien. Elle est partiellement, puis complètement rachetée par Colgate-Palmolive à partir de 1991 et devient filiale du groupe américain en 1995.
Perspective de destruction d’emplois dans un établissement industriel qui réalise des profits ; outil de production menacé, dans un contexte réunionnais marqué par un taux de chômage qui atteint les 30% et une extrême dépendance aux importations : le cas de la SIB semble taillé sur mesure pour le Ministère du redressement productif, innovation revendiquée du Gouvernement Ayrault. Un ministère confié à Arnaud Montebourg, qui, le 16 mai 2012, annonçait une ambition de « reconquête », orientée vers « la création, et le sauvetage, le plus possible des emplois qui risquent d’être perdus ». « Imagination, créativité, audace, réalisme » : les maîtres-mots de la bataille annoncée pour le redressement productif n’ont pour l’heure guère été déclinés dans les Outre-mer.
Sans doute ces derniers demeurent-ils aux yeux de Paris des terres rurales, aux économies dominées par les cultures traditionnelles — canne, ananas, banane. Une représentation d’ailleurs souvent véhiculée par les élus locaux, eux-mêmes fort peu accessibles aux questions industrielles... Que ces derniers alertent les services ministériels, où que ceux-ci soient alertés par le représentant de l’Etat, la fermeture annoncée de la SIB s’adresse directement aux missions du redressement productif. À vous de jouer, M. Montebourg.
Geoffroy Géraud Legros
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