Accueil > Domin lé dan nout dé min > Courrier des internautes > La statue de Mahé n’est pas une relique religieuse !
Sobatkoz ek Ti Kréol Kont Gro Profitèr
« A Bourbon, il monte des milices noires pour opérer contre les Anglais et des blanches pour écraser les marrons », peut-on lire dans « Commandants et gouverneurs de l’île de La Réunion »... Mahé de La Bourdonnais, dont la statue trône sur le Barachois, était un esclavagiste invétéré. « Pourquoi à La Réunion en savons-nous si peu sur notre histoire ? », interroge « Ti Kréol Kont Gro Profitèr » dans un communiqué, suite aux réactions provoquées par une action symbolique contre la fameuse statue.
[Avant toutes choses, je précise que cette action symbolique sans dégradation visant à démasquer un esclavagiste n’a aucun lien avec les actes de vandalisme perpétrés récemment contre des lieux de cultes religieux. Les journalistes qui osent cette comparaison n’ont-ils pas honte ?]
Qui est Mahé de La Bourdonnais ?
C’est en 1856 que fut inaugurée cette statue de bronze à la colonie française de La Réunion.
Gourverneur de l’île de France (Maurice) et de Bourbon (La Réunion) au cours du XVIIIème siècle, Mahé de La Bourdonnais a contribué au développement et à la prospérité du système colonial dans ces deux îles. Ce personnage est connu pour les bienfaits qu’il a apporté aux colons, mais, étrangement, peu de personnes savent qu’il a fait tout cela en participant à ce crime contre l’humanité appelé l’esclavage, en exploitant les esclaves de La Réunion et de Maurice.
Voici quelques sources prouvant sa participation active au commerce des esclaves, à leur utilisation pour des constructions publiques, ainsi que son rôle déterminant dans la chasse aux esclaves marrons à La Réunion :
Tournons la page de l’esclavage et construisons l’avenir de La Réunion sur des bases saines.
Pourquoi à La Réunion en savons-nous si peu sur notre histoire ?
→ Non, nos ancêtres n’étaient pas (que) Gaulois. Déportés d’Afrique, de Madagascar, et d’Inde (Cf « La Réunion : Le traitement de l’étranger en situation pluriculturelle : la catégorisation statistique à l’épreuve des classifications populaires »), les esclaves ont longtemps été majoritaires par rapport aux colons à La Réunion.
→ 1848 est la DEUXIÈME abolition de l’esclavage, car les colons ont refusé d’appliquer la première, en 1794.
→ L’esclavage aboli, c’est l’engagisme qui l’a remplacé, toujours pour les bénéfices du système colonial. Un système d’exploitation proche de l’esclavage, que l’historien Sudel Fuma a qualifié de « servilisme ».
Ce 10 mai 2015, à Nantes, lors de la « journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition », Angela Davis a souligné une des conséquences de l’esclavage : « La violence policière raciste, non seulement aux Etats-Unis mais aussi ici en France, trouve ses racines dans l’esclavage ».
Notre sociologue, Laurent Médéa, aussi a déjà fait le rapprochement entre la situation actuelle d’une partie de la population de La Réunion, avec notre passé — notamment à travers l’étude du système carcéral réunionnais.
Nous ne pouvons pas nous passer de notre histoire pour comprendre le présent, et nous en avons besoin pour aller vers l’avenir.
La situation sociale actuelle à La Réunion, et notamment la place réservée aux afro-descendants Kaf peuvent être comprises comme les conséquences d’un système inégalitaire et raciste mis en place dès le début de notre histoire réunionnaise. Le « métissage » n’y a rien changé : les Réunionnais à peau noire sont toujours porteurs d’une image négative à La Réunion, et cela se retrouve jusque dans la structure sociale aujourd’hui.
Un premier pas pour réparer les torts qui ont été faits, notamment sur le plan de notre identité, serait que les autorités réunionnaises retirent de son piédestal cet esclavagiste, Mahé de La Bourdonnais. Pourquoi ne pas y mettre à la place une personne symbolisant la résistance contre le racisme et l’injustice ? Un des héros réunionnais comme par exemple Furcy, Élie, Anchaing, Héva ?
La statue de Mahé n’est pas une relique religieuse. Il est normal de ne plus vouloir d’une statue lorsqu’on rejette le racisme qu’elle véhicule. C’est arrivé encore récemment en Guadeloupe le 29 mars 2015 et en Afrique du Sud le 9 avril 2015.
Pour finir, merci au collectif RSKP [1] qui est le premier a avoir dénoncé cette statue en 2011.
Depuis 2001, la France reconnaît l’esclavage comme un crime contre l’humanité !
Ce crime est imprescriptible.
Les autorités réunionnaises doivent retirer la statue du criminel Mahé de La Bourdonnais.
Ti Kréol Kont Gro Profitèr
[1] Réyoné Soubat’ Kont Profitèr
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