Calle 13 : Tu ne peux pas acheter ma vie !

La musique comme arme… Un slogan qui a inspiré bien des artistes de l’océan Indien. D’un océan à l’autre, des îles aux îles, nous abordons Puerto Rico où la musique de «Calle 13» — reggaeton, rap urbain, hip-hop — nous réveille d’une sorte de torpeur qui confinait à l’ennui. Avec des textes d’une rare poésie «écrits sous les nuits étoilées» et qui vibrent comme un poing levé : «Tu ne peux pas acheter mes douleurs» ! Musique !

Eduardo Cabra alias 'Visitante' et René Pérez alias 'Residente', les frères de 'Calle 13'. Photo elcomercio.pe
Eduardo Cabra alias ‘Visitante’ et René Pérez alias ‘Residente’, les frères de ‘Calle 13’. Photo elcomercio.pe

Calle 13, de la musique aux actes


«Calle 13» est apparu sur la scène porto-ricaine au début de ce siècle, comme pour annoncer une ère nouvelle. Et depuis, le groupe affiche à son compteur deux dizaines de «Latin Awards» et des albums vendus à travers le monde par millions.

Des paroles engagées, une musique puissante qui libère un souffle nouveau en mélangeant les genres et les influences et deux frères et une sœur — René Pérez alias Residente, Eduardo Cabra alias Visitante et Ileana Cabra Joglar alias PG-13 — qui s’aiment et ont des idées bien arrêtées.

Difficile de résumer «Calle 13» tant leur univers est riche. De la musique aux paroles, des paroles aux actes, ils font bouger les lignes et défendent des causes telles que la libération du militant indépendantiste porto-ricain, Oscar López Rivera, emprisonné aux États-Unis pour «complot», «sédition» et «tentative d’évasion», condamné à une peine de 70 ans !

«Trente-deux ans derrière les barreaux, dénonce René Pérez interviewé par le site courrierinternational.com. Cinq ans de plus que Nelson Mandela. Oscar n’a pas tiré un seul coup de feu, il n’a tué personne.»

'Calle 13' : Eduardo Cabra alias Visitante, Ileana Cabra alias PG-13 et René Pérez alias Residente. Photo zimbio.com
‘Calle 13’ : Eduardo Cabra alias Visitante, Ileana Cabra alias PG-13 et René Pérez alias Residente. Photo zimbio.com

Calle 13, pour raviver les flammes qui vacillent


Face aux enjeux internationaux et à leur cohorte d’injustices, d’oppressions, de manipulations et de désinformation, «Calle 13» est entré en contact avec Julian Assange et René Pérez lui a rendu rendre visite à l’ambassade d’Équateur à Londres en juin 2013. Quelques mois plus tard, naissait, de cette rencontre fructueuse, une nouvelle chanson : «Multi Viral» dans laquelle on entend la voix d’Assange et qui bénéficie par ailleurs de la participation de «Tom Morello, guitariste du groupe US “Rage Against the Machine” et de la chanteuse israélienne, Kamilya Jubran, rapporte le site legrandsoir.info. Cette chanson a pour sujet la manipulation médiatique et René Pérez explique à Julian Assange comment elle a été composée : “Nous nous sommes servi de vos idées et les avons travaillées pour construire la chanson”».

L’incroyable énergie qui se dégage de cette chanson — tout comme de la chanson «Latinoaméricano» — ne fait pour autant jamais l’impasse sur la poésie. Les clips sont, eux aussi, des chefs d’oeuvre !

Puisse le souffle universel — par delà la langue — de «Calle 13» raviver les flammes qui vacillent.

7 Lames la Mer


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Calle 13, Latinoamerica : Ici nous sommes debout


Je suis… je suis ce qu’ils ont laissé / Je suis tout ce qu’il reste de ce qu’ils ont volé / Un village caché dans les montagnes / Le cuir de ma peau résiste à tous les climats / Je suis une usine de fumée / Main d’œuvre paysanne pour ta consommation / Vague de froid au milieu de l’été / «L’amour aux temps du choléra»1, mon frère !

Je suis le soleil qui se lève et le jour qui se meurt / Avec les plus beaux couchers de soleil / Je suis le développement en chair et en os / Un discours politique sans salive / Les visages les plus beaux que j’ai connus / Je suis l’image d’un disparu / Le sang dans tes veines / Je suis un lopin de terre qui en vaut la peine

Image extraite du clip.

Tu ne peux pas acheter mes douleurs


Un panier d’haricots / Je suis Maradona contre l’Angleterre marquant deux buts
Je suis ce qui soutient mon drapeau / L’épine dorsale de la planète, c’est la cordillère
Je suis ce que mes parents m’ont appris / Celui qui n’aime pas sa patrie, n’aime pas sa mère / Je suis l’Amérique Latine, un peuple sans pieds mais qui avance ! Eh !

[Refrain] Tu ne peux pas acheter le vent / Tu ne peux pas acheter le soleil / Tu ne peux pas acheter la pluie / Tu ne peux pas acheter la chaleur / Tu ne peux pas acheter les nuages / Tu ne peux pas acheter les couleurs / Tu ne peux pas acheter ma joie / Tu ne peux pas acheter mes douleurs

Roulèr ! Image extraite du clip
Roulèr ! Image extraite du clip.

Nous marchons et nous traçons le chemin


J’ai les étangs, j’ai les fleuves / J’ai mes dents pour quand je souris / La neige qui maquille mes montagnes / J’ai le soleil qui me sèche et la pluie qui me lave / Un désert ivre de Peyolt / Une gorgée de Pulque2 pour chanter avec les coyotes / Tout ce dont j’ai besoin

J’ai mes poumons qui respirent le bleu pur et suffoquant de l’altitude / Je suis les molaires de ma bouche, mastiquant de la coca / L’automne avec ses feuilles pâles / Les poèmes écrits sous les nuits étoilées / Une vigne pleine de raisins / Un champ de canne à sucre sous le soleil de Cuba

Je suis la mer des Caraïbes qui surveille les petites maisons / Faisant des rituels d’eau bénite / Le vent qui coiffe mes cheveux / Je suis tous les saints qui pendent à mon cou / Le fruit de ma lutte n’est pas artificiel / Car l’engrais de ma terre est naturel

[Refrain] + Nous marchons et nous traçons le chemin

Sonia Bazanta Vides plus connue sous le nom de Totó la Momposina. Image extraite du clip.
Sonia Bazanta Vides plus connue sous le nom de Totó la Momposina. Image extraite du clip.

Pour que tu te souviennes de mon nom


Je travaille dur mais avec fierté / Ici on partage, ce qui m’appartient est à toi / Ce peuple ne se noie pas avec des grandes vagues / Il s’effondre, je le reconstruis / Je ne cligne pas non plus des yeux quand je te regarde / Pour que tu te souviennes de mon nom / L’opération Condor3 envahissant mon nid / Je pardonne mais je n’oublie jamais ! Eh !

Nous marchons / Ici on respire la lutte / Nous marchons / Je chante parce que tu m’écoutes / Nous marchons / Ici nous sommes debout

Vive l’Amérique ! / Tu ne peux pas acheter ma vie

Image extraite du clip
Image extraite du clip


« Multi viral » : Le pouvoir du peuple armé de la Vérité


Tout commence comme une flambée / Quand nous lançons les flammes de nos regards / Ils veulent arrêter l’incendie qui se propage / Mais il est des feux que n’éteint aucune eau / Et les policiers en rang s’approchent / Les muscles se tendent / La fréquence cardiaque augmente / Et les taux de testostérone montent / Le moment arrive / Où les gens s’affrontent / Quand le courage est notre allié / Quand le cri est devenu notre unique langage / Moi je suis aux ordres de la raison et toi d’un colonel / Si notre lutte est en carton / La vôtre est en papier ! / Et ils ne nous arrêtent pas / Parce qu’un message frappant / Transforme celui qui le reçoit / En un requin sans dents

Image extraite du clip
Image extraite du clip

Et le monde commence à changer !


L’état nous craint / Car en même temps que nous sommes les 132 et les 15M4 / Quand la presse nous parle / Nous autres nous donnons les détails / En couvrant les murs / Avec des aérosols dans les rues / En tendant ma pancarte et en la diffusant / Qu’une seule personne la lise / Et le monde commence à changer !

[Refrain] Coude à coude / Pas à pas / Grossit la vague / Grossit l’écume / Car grossit le monde qui s’y ajoute

Celui qui contrôle / Celui qui domine / Veut te rendre malade pour te vendre des médicaments / Et ils nous droguent /Nous abrutissent / Quelle que soit la question que nous posons / Ils l’embrouillent / Ce sont des mensonges réchauffés / Ils nous nourrissent de viande transformée / Et les gens continuent à être désinformés / Une information mal délivrée / Est une attaque à main armée !

Image extraite du clip
Image extraite du clip

Parce que nous pensons avec les portes ouvertes


Nous nous infiltrons / Nous nous dupliquons / Comme des cellules / Nous nous multiplions / Celui qui ne veut pas de bouillon / En aura deux rations / Nous sommes la levure qui fait lever les masses / Nos idées sont libres et elles réveillent / Parce-que nous pensons avec les portes ouvertes / Ce qui ne se voit pas / Nous le voyons / Nous sommes nés sans savoir parler / Mais nous mourrons en le disant !

[Refrain]

[Julian Assange] :
Nous vivons dans le monde que votre propagande a fait / Mais là où vous pensez être forts, vous êtes fragiles / Vos mensonges nous disent quelle vérité nous allons utiliser contre vous / Vos secrets nous montrent où nous devons frapper / Vos armes révèlent votre peur de tout ce qui se voit / Depuis Le Caire jusqu’à Quito un nouveau monde se forme / C’est le pouvoir du peuple armé de la Vérité

[Refrain]


Réalités émergentes Réunion, Océan Indien, Monde.
Presse, Edition, Création, Revue-Mouvement.

  1. Roman de l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez.
  2. Boisson alcoolisée méxicaine.
  3. Campagne de lutte anti-guérilla conduite conjointement dans plusieurs pays d’Amérique latine dans les années 1970.
  4. Référence aux mouvements étudiants tels que Yo Soy 132 au Mexique ou 15-M en Espagne.